Les faits :
M.A fut interpellé le 17 décembre 2014 dans les eaux territoriales de Mayotte. Il fut accompagné de deux mineurs isolés étrangers (MIE). Il précisa à la gendarmerie que l'un des deux enfants n'avait que 9 ans sans indiquer un quelconque lien de parenté. Le 18 décembre 2015, le préfet pris un arrêté obligeant les MIE à quitter le territoire français (OQTF) et les plaça en rétention administrative.
La mère des deux MIE exerça alors un référé liberté sur le fondement de l'article 521-2 du Code de justice administrative (CJA).
Le tribunal administratif de Mayotte rejeta sa demande.
Griefs :
Le placement en rétention administrative serait contraire à l'article L 221-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Cet article prévoit que "Lorsqu'un étranger mineur non accompagné d'un représentant légal n'est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste le mineur durant son maintien en zone d'attente et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien".
De plus, l'éloignement des MIE porterait atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant prévu par l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) du 26 janvier 1990. Également, il serait contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
L'administration se défend d'une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Pour elle, l'éloignement n'est en rien préjudiciable aux MIE. Elle rétablirait "une situation de séparation entre les parents et l'enfant qui était déjà effective depuis 7 ans". Ainsi, le défendeur au pourvoi constate l'absence des conditions nécessaires à l'application de l'article 3 de la CIDE. Le maintien de l'unité familiale suppose l'exercice de l'autorité parentale, une communauté de vie ou la contribution à l’éducation de l'enfant.
Également, la séparation entre les parents et les enfants doivent être la conséquence de la mesure d'éloignement. De fait, le moyen soulevé par l'administration apparait comme particulièrement cynique. D'une part, il n'existerait pas de réels liens familiaux entre la requérante et les MIE. D'autre part, la séparation entre les enfants et la requérante serait l'état normal de leurs relations familiales. Dès lors, il ne peut y avoir d'éclatement de la cellule familiale par la mesure d'éloignement.
Question :
La question qui fut posée auprès du Conseil d’État était de savoir si la mesure d'éloignement qui empêchait la reconstitution de la cellule familiale allait à l'encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant, en dépit de la séparation effective de ces membres ?
Solution :
Avant d'aborder la solution du Conseil d’État, il est nécessaire de rappeler que dans le cas de l'OQTF sans délai d'exécution volontaire, on ne peut contester le placement en rétention administrative. On peut aussi s'étonner que les défendeurs invoquent l'article 3 de la CEDH alors qu'il s'agirait plutôt de l'article 8 de cette même convention. En effet, les MIE n’allaient pas subir de torture, une fois renvoyés aux Comores. Cette analyse va être confirmée par le présent arrêt qui se place sur l'intérêt supérieur de l'enfant.
De
même, les MIES ont été interpellés dans les eaux territoriales de
Mayotte. De fait, ils n’y résidaient pas encore. Ainsi, ils
auraient dû être placés en zone d’attente et non en rétention
administrative. Cette erreur traduit l’état de la situation
mahoraise qui connait une très forte pression migratoire.
Ces remarques préliminaires étant faites, il faut revenir sur la réponse du Conseil d’État : "qu'était portée à sa connaissance la circonstance que les deux parents de celui-ci résidaient régulièrement à Mayotte ; qu'elle ne s'est pas davantage préoccupée des conditions dans lesquelles l'enfant mineur serait pris en charge à Anjouan, lieu à destination duquel il allait être éloigné ; qu'en agissant de la sorte, non seulement l'administration n'a pas accompli les diligences nécessaires pour réunir les informations qu'elle devait, dans le cas d'un mineur, s'efforcer, dans la mesure du possible, de collecter avant de procéder à son éloignement forcé mais encore elle n'a tenu aucun compte des éléments qui avaient été portés à sa connaissance ; qu'il suit de là que l'arrêté du 18 décembre 2014 est entaché d'une illégalité manifeste qui a porté et continue de porter gravement atteinte à l'intérêt supérieur du jeune B".
On
peut constater que le Conseil d’Etat ne se prononce pas sur la
séparation effective entre les parents et les MIES. L’administration
doit rechercher quelle sera la situation du MIE une fois éloigné,
pour savoir si l’éloignement est en conformité avec l’intérêt
supérieur de l’enfant.
Cette solution respecte l'esprit de la CIDE. L'article 3 de la CIDE dispose par exemple que "les États parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être". L'article 9 prévoit quant à lui que la séparation ne peut avoir lieu que dans l'intérêt supérieur de l'enfant ou bien dans le cas de parents séparés lorsqu'il s'agit de déterminer la résidence de l'enfant.
Lien de la décision
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