Les faits
Le 11 juillet 2007, la Cour d’assises du Bas-Rhin a condamné Monsieur Bodein à la réclusion criminelle à perpétuité, avec impossibilité de bénéficier des mesures d’aménagement de peine prévues à l’article 132-23 du code pénal. En effet, le condamné a commis trois meurtres, selon un mode opératoire similaire, dont deux sur mineurs de 15 ans avec viol. Il se trouvait en état de récidive, déjà condamné en 1996. De plus, il a fait l’objet de neuf condamnations entre 1969 et 2008, dont quatre de nature criminelle.
Suite à cette condamnation, il interjeta appel. Dans un arrêt du 2 octobre 2008 la Cour d’assises du Haut-Rhin confirma la condamnation et les mesures prises dans l’arrêt de première instance. Il persista et forma un pourvoi en cassation d’une part pour l’absence de motivation dans l’arrêt d’assises et d’autre part considérant sa peine inhumaine et dégradante. Toutefois la Cour de cassation rejeta son pourvoi.
Il est actuellement en détention au centre pénitentiaire des Moulins.
La loi du 1er février 1994 instituant une peine incompressible
Cette peine est régie aux articles 221-3 et 221-4 du code pénal prévoyant, notamment en cas d’assassinat ou de meurtre d’un mineur de moins de quinze ans précédé ou accompagné de viol, la possibilité pour les Cours d’assises de prononcer, par décision spéciale, une peine de réclusion criminelle à perpétuité incompressible. C’est-à-dire que la période de sûreté est égale au quantum de la peine prononcée.
Le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de cette loi dans une décision du 20 janvier 1994 (DC n°93-334).
La requête devant la CEDH
Monsieur Bodein a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, soutenant une violation de l’article 6 §1 (garantissant le droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droit de l’homme et de son article 3 (interdisant les traitements inhumains ou dégradants).
Selon le requérant, d’une part, l’absence de motivation de l’arrêt de la cour d’assises porte atteinte au droit à un procès équitable. D’autre part, la condamnation à une peine à perpétuité incompressible constitue un traitement inhumain et dégradant.
La décision de la CEDH
Bien que recevant la requête de Monsieur Bodein, la Cour infirme toute violation des articles 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droit de l’homme par la France.
Ainsi, concernant l’article 6 § 1, « la Cour estime que le requérant a disposé de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict de condamnation qui a été prononcé à son encontre ».
De plus, la Cour souligne que, depuis les faits, le législateur français a opéré une réforme par une loi du 10 août 2011, insérant un nouvel article 365-1 au code de procédure pénale. Ce dernier, afin de remédier au défaut de motivation des arrêts d’assises, prévoit une motivation de ces arrêts au sein d’un document spécial appelé « feuille de motivation ». De ce fait, la Cour estime qu’une « telle réforme, semble donc a priori susceptible de renforcer significativement les garanties contre l’arbitraire et de favoriser la compréhension de la condamnation par l’accusé, conformément aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention ».
Ensuite, concernant l’article 3, la Cour affirme que la législation française est conforme à la Convention. En effet, l’article 720-4 du code de procédure pénale prévoit un réexamen de la situation du requérant à l’issue d’un délai de trente ans, à compter du mandat de dépôt. Si la Cour interprète l’article 3 comme interdisant les peines perpétuelles incompressibles, elle ne considère pas en l’espèce que la peine soit de cette nature. En effet, le réexamen prévu par la législation française, laisse entrevoir au détenu la perspective d’être un jour libéré, ce qui est conforme à l’interprétation de l’article 3.
Enfin, précisons que si la Cour avait condamné la France, elle aurait de ce fait condamné le Conseil constitutionnel, qui s’était préalablement prononcé, situation qui ne s’est encore jamais produite.
Lien utile :
Arrêt de la CEDH du 13 novembre 2014, affaire Bodein c. France (requête n° 40014/10)
AF
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