Décision du Conseil constitutionnel du 27 février 2015 : Mandat d'arrêt à l'encontre des personnes résidant hors du territoire de la République
Faits et procédure:
Des
poursuites pénales ont été engagées à l’encontre de M. Olivier J qui réside à l'étranger. Un mandat d’arrêt a été décerné contre lui par le
juge d’instruction du TGI de Mulhouse le 18 août 2008.
Le 19 décembre 2014,
le Conseil constitutionnel a été saisi par la chambre criminelle de la
Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
portant sur le mandat d'arrêt à l'encontre des personnes résidant hors
du territoire français.
Le mandat est un acte judiciaire par lequel un
magistrat ou un tribunal compétent ordonne la convocation ou
l'arrestation d’une personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit. Le
mandat d'arrêt est défini par le sixième alinéa de l’article 122 du Code de procédure pénale (CPP)
comme «l’ordre donné à la force publique de rechercher la personne à
l’encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant lui après
l’avoir, le cas échéant, conduite à la maison d’arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue».
L'article
concerné par cette QPC est l'article 131 du CPP qui dispose que « Si la personne est en fuite ou si elle réside
hors du territoire de la République, le juge d'instruction, après avis
du procureur de la République, peut décerner contre elle un mandat
d'arrêt si le fait comporte une peine d'emprisonnement correctionnelle
ou une peine plus grave ».
La question
prioritaire de constitutionnalité porte plus exactement sur les mots : «
ou si elle réside hors du territoire de la République ».
Le pourvoi :
Dans
cette affaire le requérant soulève que la disposition contestée
méconnaît le principe d'égalité devant la loi pénale et le principe de nécessité .
Pour lui, le fait de décerner
un mandat d'arrêt contre une personne résidant hors du territoire de la
République alors qu'elle n'est pas en fuite et que le juge d'instruction
n'est pas obligé d'avoir préalablement cherché à l'entendre est
contraire à ces principes. En effet, avertie, la personne résidant
simplement hors du territoire et qui n'est pas en fuite pourrait se
présenter d'elle-même au juge d'instruction. Pour le requérant, il ne
faudrait avoir la possibilité de décerner un mandat d'arrêt que dans le
cas où celle-ci refuserait de se faire entendre par le juge.
La décision du Conseil constitutionnel du 27 février 2015
Le Conseil constitutionnel rappelle dans sa décision que, si l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (DDHC) prévoit que la loi soit la même pour tous, il existe des limites : le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes lorsque les faits, les situations et les personnes sont elles-mêmes différentes. Il faut cependant que ces différences de traitement soient justifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.
Le
Conseil reconnaît ici que la personne résidant sur le territoire de la
République et celle résidant hors de ce territoire ne sont pas placées
dans la même situation. La différence de traitement résulte donc de la
différence de situation entre les personnes.
Le
Conseil constitutionnel doit alors observer si les différences de
traitements sont ici justifiées et si des garanties sont assurées aux
justiciables.
Selon le Conseil
constitutionnel, en matière de procédure pénale, il incombe au
législateur d'éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des
auteurs d'infractions. Il lui incombe d'assurer un équilibre entre la
poursuite des auteurs d'infractions et la protection des droits et
libertés constitutionnellement garantis, notamment la liberté d'aller et
de venir et la liberté individuelle.
Les
dispositions contestées ont ici pour objet d'assurer la recherche des
personnes résidant hors du territoire de la République mais seulement si
celles-ci encourent une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une
peine plus grave.
De plus, avant de
décerner un tel mandat, le juge d'instruction doit apprécier le
caractère nécessaire et proportionné du recours à cette mesure, sa
décision étant placée sous le contrôle de la chambre de l'instruction et
soumise à l'avis du procureur. L'article 122 CPP précise que le juge
d'instruction ne peut décerner un tel mandat qu'« à l'égard d'une
personne à l'égard de laquelle il existe des indices graves ou
concordants ».
Pour le Conseil, compte tenu de l'ensemble de ces conditions et de ces garanties fixées par le législateur et eu égard à l'objectif des poursuites des auteurs d'infractions, les dispositions contestées n'instituent pas une rigueur qui ne serait pas nécessaire à leurs recherches.
Il résulte de tout ce qui précède que les griefs tirés de l'atteinte au principe d'égalité et au principe de rigueur nécessaire doivent être écartés.
Lien utile:
Décision du Conseil Constitutionnel du 27 février 2015
F.L
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