jeudi 13 novembre 2014

La décision du 9 octobre 2014 du Conseil constitutionnel sur la garde à vue.

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation le 16 juillet 2014 d’une question prioritaire de constitutionnalité à propos de la conformité des articles 706-73 et 706-88 du Code de procédure pénale (CPP). Il y a répondu par une décision en date du 9 octobre 2014.

§ 1 : la conformité de l’article 706-88 du Code de procédure pénale

L'article 706-88 CPP permet, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction relatives à l'une des infractions de l'article 706-73 l'exigent, de prolonger la garde à vue d'une personne de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune (soit en tout 96 heures de garde à vue).
Le Conseil constitutionnel avait déjà jugé, dans une décision du 2 mars 2004, la conformité de l’article 706-88 du Code de procédure pénale au bloc de constitutionnalité. Cette décision avait alors déclaré que ledit article ne portait pas une atteinte excessive à la liberté individuelle. De même, les cinq premiers alinéas de l’article 706-88 ont été déclarés conformes à la Constitution.

§ 2 : la non-conformité de l’article 706-73 CPP à la Constitution

L'intérêt de la décision du 9 octobre 2014 concerne l’article 706-73 du CPP. 
 
La garde à vue pouvant aller jusqu’à 96h pour les crimes et délits commis en bande organisée prévue par l'article 706-88 CPP n’est pas en elle-même déclarée inconstitutionnelle. C'est parce qu’il rend possible l’utilisation de la garde à vue pour une personne suspectée d’escroquerie commise en bande organisée que l'article 706-88 a été déclaré inconstitutionnel

En effet, le Conseil constitutionnel fait une distinction entre les infractions portant une atteinte grave à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, et celles qui ne portent pas atteinte à ces valeurs (Conseil Constitutionnel, 4 décembre 2013, n° 2013-679 DC à propos de la fraude fiscale). L'escroquerie, même en bande organisée, ne porte pas atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes et dès lors cette infraction ne justifie pas un délais de garde à vue aussi longue. L'article 706-73 est donc inconstitutionnel mais seulement en ce qu'il concerne l'escroquerie en bande organisée. 
 
§ 3 : les effets dans le temps de la décision

Le Conseil constitutionnel a considéré que l'abrogation immédiate de la partie de l'article 706-73 concernée aurait pour effet d'empêcher le recours à une garde à vue de quatre-vingt-seize heures pour des faits d'escroquerie en bande organisée, mais aussi de faire obstacle à l'usage des autres pouvoirs spéciaux de surveillance et d'investigation ce qui aurait « des conséquences manifestement excessives ». Dès lors, les membres du Conseil Constitutionnel ont décidé de reporter l'abrogation au 1er septembre 2015 afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité.

Les membres ont également précisé que les dispositions de l'article 706-73 du code de procédure pénale ne pourront plus être permettre le recours à la garde à vue de l'article 706-88 pour des faits d'escroquerie en bande organisée à compter de la publication de la décision
Cependant le Conseil constitutionnel a décidé que les mesures de garde à vue prises avant la publication de la décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité car cela « méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et aurait des conséquences manifestement excessives ». 

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