Le Conseil constitutionnel
a été saisi par la Cour de cassation le 16 juillet 2014 d’une
question prioritaire de constitutionnalité à propos de la
conformité des articles 706-73 et
706-88 du Code de procédure pénale
(CPP). Il y a répondu par une décision en date du 9 octobre 2014.
§ 1 : la
conformité de l’article 706-88 du Code de procédure pénale
L'article 706-88 CPP
permet, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction
relatives à l'une des infractions de l'article 706-73 l'exigent, de
prolonger la garde à vue d'une personne de deux prolongations
supplémentaires de vingt-quatre heures chacune (soit en tout 96
heures de garde à vue).
Le Conseil constitutionnel
avait déjà jugé, dans une décision du 2 mars 2004, la conformité
de l’article 706-88 du Code de procédure pénale au bloc de
constitutionnalité. Cette décision avait alors déclaré que ledit
article ne portait pas une atteinte excessive à la liberté
individuelle. De même, les cinq premiers alinéas de l’article
706-88 ont été déclarés conformes à la Constitution.
§ 2 : la
non-conformité de l’article 706-73 CPP à la Constitution
L'intérêt de la décision
du 9 octobre 2014 concerne l’article 706-73 du CPP.
La garde à vue pouvant
aller jusqu’à 96h pour les crimes et délits commis en bande
organisée prévue par l'article 706-88 CPP n’est pas en elle-même
déclarée inconstitutionnelle. C'est parce qu’il rend possible
l’utilisation de la garde à vue pour une personne suspectée
d’escroquerie commise en bande organisée que l'article 706-88 a
été déclaré inconstitutionnel
En effet, le Conseil
constitutionnel fait une distinction entre les infractions portant
une atteinte grave à la sécurité, à la dignité ou à la vie des
personnes, et celles qui ne portent pas atteinte à ces valeurs
(Conseil Constitutionnel, 4 décembre 2013, n° 2013-679 DC à propos
de la fraude fiscale). L'escroquerie, même en bande organisée, ne
porte pas atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des
personnes et dès
lors cette infraction ne justifie pas un délais de garde à vue
aussi longue. L'article 706-73 est donc inconstitutionnel mais
seulement en ce qu'il concerne l'escroquerie en bande organisée.
§ 3 : les
effets dans le temps de la décision
Le
Conseil constitutionnel a considéré que l'abrogation immédiate de
la partie de l'article 706-73 concernée aurait pour effet d'empêcher
le recours à une garde à vue de quatre-vingt-seize heures pour des
faits d'escroquerie en bande organisée, mais aussi de faire obstacle
à l'usage des autres pouvoirs spéciaux de surveillance et
d'investigation ce qui aurait « des
conséquences manifestement excessives ».
Dès lors, les membres du Conseil Constitutionnel ont décidé de
reporter l'abrogation au 1er septembre 2015 afin de permettre au
législateur de remédier à l'inconstitutionnalité.
Les membres ont également précisé que les dispositions de l'article 706-73 du code de procédure pénale ne pourront plus être permettre le recours à la garde à vue de l'article 706-88 pour des faits d'escroquerie en bande organisée à compter de la publication de la décision
Cependant
le Conseil constitutionnel a décidé que les mesures de garde à vue
prises avant la publication de la décision ne peuvent être
contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité car cela
« méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de
recherche des auteurs d'infractions et aurait des conséquences
manifestement excessives ».
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