L'avis du 18 décembre 2014 de la CJUE rejetant l'adhésion de l'UE à la CESDH
Dans un avis du 18 décembre 2014,
la Cour de Justice de l'Union Européen (CJUE) a jugé que le projet
d'accord d'adhésion de l'Union européenne (UE) à la Convention
européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés
Fondamentales (CESDH) est, en l’état, incompatible avec le droit de l'Union.
Un rappel des dates
Le 4 juin 2010, le Conseil de l'Europe avait autorisé l'ouverture des négociations
pour un accord d'adhésion de l'Union européenne à la CESDH. Cette
adhésion avait été rendue possible par le traité de Lisbonne entré en
vigueur le 1er décembre 2009.
Le 4 juillet 2013, la Commission a saisi la CJUE afin de recueillir son avis sur la compatibilité du projet d'accord avec le droit de l'Union.
La positon de la CJUE
La
CJUE décide dans son avis que l'adhésion à la CESDH est susceptible de
porter atteinte au droit de l'Union. Elle identifie plusieurs incompatibilités parmi lesquelles on peut citer pour exemples ;
▪ La question de la confiance mutuelle entre les États membres: selon la Cour,
l'adhésion à la CESDH obligerait les États membres à vérifier le respect
des droits fondamentaux par un autre État membre en contradiction
avec le principe de confiance mutuelle.
▪ L’atteinte à l’autonomie du droit de l’Union: selon la jurisprudence de la CJUE, un accord externe ne peut imposer aux institutions une interprétation du droit de l’Union. Seule la Cour dispose de cette compétence or, l'adhésion à la CESDH entraînerait nécessairement un contrôle externe
▪ Les exigences du renvoi préjudiciel: la CJUE juge que le protocole n°16 de la Convention permettant d’adresser à la Cour européenne des Droits de l'Homme des demandes d’avis consultatif peut aboutir à ce que cette dernière soit saisie d’une question relevant en réalité du droit de l’Union. Une telle perspective aboutirait à contourner la procédure du renvoi préjudiciel de l’article 267 TFUE.
▪ L’article 344 TFUE: cet article empêche un État membre de saisir une autre juridiction que la CJUE en cas de conflits sur l’application du droit de l’Union. En cas d'adhésion à la CESDH, la seule Cour européenne des Droits de l'Homme pourrait être saisie pour un point qui concerne le droit de l'Union.
▪ Le mécanisme du co-défendeur: il permet à l’Union ou à un État membre de se joindre à la procédure devant la Cour européenne des Droits de l'Homme lorsque l’Union ou un État membre est en cause. Pourtant, l'accord ne prévoit pas les modalités de fonctionnement de ce mécanisme en cas d'adhésion.
▪ La politique étrangère et de sécurité commune: la CJUE a peu de compétence en ce domaine. Le seul recours recevable devant la CJUE est le recours en annulation contre des actes de portée individuelle. La Cour européenne des Droits de l'Homme pourrait, elle, connaître un contrôle juridictionnel plus large au-delà du champ de compétence de la CJUE
En conclusion, selon cet avis, il est donc impossible pour l'UE d'adhérer à la CESDH, sauf à faire ratifier un nouvel accord par tous les États membres. L'adhésion à la CESDH répond pourtant à une volonté politique inscrite dans le
traité de Lisbonne.
On peut se demander si cela est bien nécessaire : la Charte des droits
fondamentaux de l’Union peut être considérée comme une base pour la
protection des droits fondamentaux. De plus, tous les membres de l'UE sont déjà parties à la CESDH.
Il faut également se poser des questions concernant la position politique de la CJUE dans cet avis. Celle-ci est sûrement réticente à l'idée d’être placée sous
le regard et le contrôle de la Cour européenne des Droits de l'Homme.
F.L
Un grand merci pour ce bon résumé bien problématisé et très clair!
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