vendredi 26 décembre 2014

ADMINISTRATIF / Dignité : Ordonnance du 11 décembre 2014, Centre Dumas-Pouchkine des Diasporas et Cultures Africaines


Faits :
Une exposition est programmée à Paris sous le nom d’« Exibit-B » par un établissement public. Elle a pour but de dénoncer la violence à l’égard des populations noires et la négation de leurs droits civils durant l’époque coloniale et sous le régime de l’apartheid en Afrique du sud. Cette exposition se présente sous la forme d’artistes immobiles qui constituent des tableaux vivants de situations de violence et d’oppression illustrant cette période. Des associations de lutte contre le racisme ont vu dans cette exposition une référence aux zoos humains dans la mesure où les individus noirs y sont « exposés » comme des animaux. C’est donc la réification de l’être humain qui a choqué ces associations.


Contexte :
Le référé liberté a été créé par la loi du 30 juin 2000. Il est codifié dans le code de justice administrative à l’article L. 521-2 (« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »).


Procédure :
Les associations opposées à cette exposition ont formé un référé-liberté devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris afin de demander sa suspension. Elles invoquaient une violation de la dignité humaine qu’elles estimaient suffisamment grave pour justifier une atteinte à la liberté d’expression de l’artiste.


Le tribunal de Paris a rejeté leur demande aux motifs que, d’une part, « les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées », et que, d’autre part, le référé liberté ne peut s’exercer que contre une décision de l’administration portant atteinte à une liberté fondamentale. Ce n’était pas le cas en l’espèce.


Les requérantes déboutées ont formé appel de la décision devant le juge des référés du Conseil d’Etat.


Décision :
Le juge des référés du Conseil d’Etat par une ordonnance du 11 décembre 2014 confirme la décision du tribunal au motif que « l’absence d’interdiction, par l’autorité administrative, de cette manifestation, ne portait aucune atteinte grave et manifestement illégale à la dignité de la personne humaine ».


Portée de l’ordonnance :
Par cette décision, le Conseil d'État se montre favorable à la liberté d’expression en retenant que, ne peut constituer une atteinte à la dignité, la seule abstention de l’administration.


Toutefois, cette décision montre un dévoiement de la notion d’ordre public par la référence au dignité. Elle s’inscrit dans une mouvance jurisprudentielle du Conseil d'État qui retient une approche liberticide de la dignité en opposition avec la conception de dignité-liberté « kantienne ». Cette jurisprudence est née avec l’affaire dite du « lancer de nains » (CE Ass., 27 oct. 1995, Commune de Morsang-sur-Orge) et ne s’est manifestée qu’à deux reprises en près de vingt ans (CE Ord., 5 janv. 2007, Association Solidarité des Français et Avis CE, 16 févr. 2009, Madame Hoffman), avant de revenir en force dans l’affaire Dieudonné (CE Ord., 9 janv. 2014, Ministre de l’intérieur c/ SARL Les productions de la et M. Dieudonné M’Bala M’Bala).


En effet, bien que le Conseil d’Etat n’ait pas accueilli la demande des associations dans cette affaire, il considère toujours que la notion de dignité peut justifier une atteinte à la liberté d’expression au même titre que les autres composantes de l’ordre public (constituées par la sécurité, la tranquillité, la salubrité et la moralité), si contestable soit-elle et si rares soient les occasions de sa manifestation.


Liens :



RL

mercredi 3 décembre 2014

Décision n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014


Décision n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014

        § 1 : Rappel de l’actualité juridique

La procédure pénale spécifique à la criminalité organisée (art 706-73 CPP) suscite beaucoup de débat. Le 9 octobre 2014, elle avait déjà fait l’objet d’une QPC concernant la garde à vue de 96h pour une escroquerie en bande organisée (voire notre précédent article). L’escroquerie n’étant pas une infraction portant atteinte à la dignité, sécurité ou à la vie des personnes, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l’article 706-73 du CPP permettant la garde à vue de 96h.

§ 2 : Dispositions contestées

Dans la QPC du 21 novembre 2014, il s’agit de la constitutionnalité des 6ème à 8ème alinéas de l’article 706-88 du Code de procédure pénale. Ces alinéas 6 à 8 prévoient le report de l’intervention de l’avocat lors d’une garde à vue. Ce report est décidé par le procureur de la République pour une durée de 24 heures. Pour un délai supérieur à 24 heures, l’autorisation du juge des libertés et de la détention est nécessaire. L’intervention de l’avocat peut donc être différée de 48 heures. Pour les infractions relevant du terrorisme ou du trafic de stupéfiants, le report peut aller jusqu’à 72 heures. La question est donc de savoir si ce report est constitutionnel.

§ 3 : Arguments des requérants

Cette question est légitime. D’une part, le report de l’intervention de l’avocat porte manifestement atteinte aux droits de la défense. D’autre part, la QPC du 9 Octobre 2014 (déjà cité) dispose que l’inscription de l’escroquerie aux infractions de l’article 706-73 du CPP est inconstitutionnelle. Pour comprendre la solution, il est nécessaire d’aborder la jurisprudence antérieure.

§ 4 : Jurisprudences antérieures

Sur cette question, la décision du 2 mars 2004 (lien) est éclairante : « [que], si le législateur peut prévoir des mesures d’investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d’une gravité et d’une complexité particulières […] c’est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que les restrictions qu’elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n’introduisent pas de discriminations».

Cette décision est d’autant plus éclairante qu’elle portait sur la constitutionnalité de la loi du 9 mars 2004 (dite Perben II). La loi Perben II a inséré l’article 706-73 au CPP mais elle a également prévu le report de l’intervention de l’avocat pour certaines infractions.

Le Conseil constitutionnel va donc opérer un contrôle de proportionnalité. Il va regarder si des garanties suffisantes existent pour contrebalancer la violation des droits de la défense. Pour illustrer ce propos, la QPC du 18 novembre est significative : « que, par suite, eu égard aux cas et aux conditions dans lesquels elle peut être mise en œuvre, la faculté d’un tel report assure, entre le respect des droits de la défense et l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée ». Cette QPC portait sur les dispositions communes du report de l’intervention d’un avocat prévue à l’article 63-4-2 du CPP.

Aussi, il convient de rappeler que dans la QPC du 9 Octobre 2014, seul l’article 706-73 du CPP était déclaré inconstitutionnel. De plus, le Conseil constitutionnel avait retardé l’abrogation dudit article au 1er janvier 2015.

§ 5 : Solution du Conseil constitutionnel

Conformément à sa jurisprudence antérieure, Le Conseil constitutionnel a regardé les garanties permettant le report de l’intervention de l’avocat. Ces garanties sont les suivantes :

·         Il faut d’abord que la personne soit soupçonnée d’avoir commis une infraction prévu à l’article 706-73 du CPP
·         Il appartient au magistrat compétent de fixer la durée du report
·         Le magistrat peut décider d’utiliser l’article 63-4-2 du CPP au lieu de l’art 706-88, permettant ainsi l’entretien de 30 minutes entre l’avocat et la personne soupçonnée
·         La personne gardée à vue est informée de son droit de garder le silence.

Au regard de ces garanties, le Conseil constitutionnel déclare que l’atteinte portée aux droits de la défense n’était pas disproportionnée. Les alinéas 6 à 8 de l’article 788 du CPP sont donc conformes à la Constitution.

Lien de la décision :  www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2014/2014428qpc.htm

lundi 1 décembre 2014

LOI n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme


            Le projet de cette loi a été présenté en Conseil des ministres le 9 juillet 2014 par M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Il fait suite à des affaires très médiatiques portant sur des citoyens français et étrangers partis faire le djihâd en Syrie. Il a été adopté en procédure accélérée.Ce texte vise à renforcer la lutte contre le terrorisme et à prendre en compte les évolutions récentes des actes de terrorisme.
           Deux mesures phares ont été décidées. D’une part, le texte met en place une interdiction de sortie du territoire pour les ressortissants français. D’autre part, il prévoit une interdiction d’entrée sur le territoire français pour les étrangers.
Les personnes concernées seront inscrites dans le Système d’Information Schengen afin de faire respecter les interdictions.

1. S’agissant de l’interdiction de sortie du territoire, celle-ci aura lieu lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un individu projette soit « des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes », soit « des déplacements à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français ».
Cette interdiction sera décidée par le ministre de l’intérieur. Elle sera de six mois maximum et sera renouvelable "aussi longtemps que les conditions seront réunies" (article L. 224-1 du Code de la sécurité intérieure). La période ne pourra pas excéder deux ans. Concrètement, le passeport sera invalidé. Cette mesure pourra faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision ou de son renouvellement.
Toute personne ne respectant pas son interdiction encourra trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

2. S ‘agissant de l’interdiction d’entrée sur le territoire français, selon le nouvel article L. 214-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ministre de l’Intérieur pourra la prononcer à l’encontre de tout ressortissant étranger ou ressortissant de l’Union européenne ne résidant pas habituellement en France lorsque sa présence en France constitue  une menace grave pour l’ordre public.
Le même code renforce le dispositif d'assignation à résidence de l'étranger (art. L563-1).

3. De plus, la loi pénalise l’"entreprise individuelle à caractère terroriste" visant les cas où une personne seule préparerait un acte terroriste.
C'est une totale nouveauté très curieuse.

4. S’agissant de l’apologie du terrorisme et de la provocation aux actes de terrorisme, les fournisseurs d’accès internet sont fortement impliqués, puisqu’en vertu de l'article 421-2-5 dans le Code pénal, l’administration peut bloquer les sites internet et même déréférencer (retirer le site web des moteurs de recherche et des annuaires qui vont donc le supprimer de leur pages de résultats) les sites.
Ces délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme sont désormais assimilés à des délits terroristes pour étendre les moyens d’enquête. Par la suite, le Sénat a décidé que seuls les délits d’apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme commis sur Internet seront assimilés à des délits terroristes et devront figurer dans le code pénal. Concernant les supports de presse traditionnels, le régime spécial de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 continuera à s’appliquer à la commission de ces infractions.
Pour s’adapter aux évolutions technologiques, les enquêteurs ont désormais la possibilité de perquisitionner les "clouds". Ils pourront aussi intercepter les discussions sur les logiciels d’appels téléphoniques sur Internet.





Lien: LOI n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme

dimanche 30 novembre 2014

CIVIL : IMMOBILIER- VENTE EN L’ETAT FUTUR D’ACHEVEMENT Arrêt n°1404 du 26 novembre 2014-Cour de cassation-3ème Civ


Faits : 

Un couple achète un appartement en état futur d’achèvement à une SCI. Le bien doit être livré au 4ème trimestre 2008 au plus tard. Une banque (achetée par la suite par la société CIC), consent une garantie d’achèvement à la SCI. Par cette garantie, le débiteur (la banque) s’engage à mettre en œuvre des moyens permettant d’achever les travaux en cas de défaillance du vendeur (la SCI). Or, par la suite, la SCI est mise en liquidation judiciaire. Les acheteurs appellent dont la CIC en garantie afin qu’elle mette en œuvre des moyens permettant l’achèvement des travaux. La CIC informe les acheteurs de son impossibilité d’assurer cet achèvement.


Procédure :

Les acheteurs assignent donc la CIC en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son inaction en tant que garant. La société leur oppose d’une part la cessation d’activité de la SCI et d’autre part la péremption du permis de construire.

La Cour d’appel accueille la demande des acheteurs en condamnant la CIC à leur verser des dommages-intérêts au titre des préjudices moral et matériel à hauteur des sommes versées au vendeur.

Contexte en droit positif :


La vente en état futur d’achèvement est définie par l’article 1601-3 du code civil comme « le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux.

Le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux. »



Question posée à la Cour :
Dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement, le débiteur de la garantie d’achèvement commet-il une faute susceptible d’engager sa responsabilité envers l’acheteur en laissant périmer le permis de construire et en ne tentant pas de mettre en œuvre la garantie ?

Solution : 

La Cour de cassation par un arrêt du 26 novembre 2014 rejette le pourvoi formé en cassation contre l’arrêt d’appel. Elle retient que la société CIC a « commis une faute en refusant de mettre en œuvre la garantie d’achèvement quand elle pouvait et devait le faire et a causé aux acheteurs un préjudice en ne leur permettant pas de rentrer en possession du bien. »
Elle fonde sa décision sur l’article 1382 du code civil, dont elle caractérise l’existence des trois éléments constitutifs : la faute (absence de mise en œuvre de la garantie), le dommage (les acheteurs ne peuvent entrer en possession du bien), et le lien causal (le dommage des acheteurs résultant directement de la faute du débiteur de l’obligation de garantie d’achèvement).


Apport :

La Cour de cassation, par cette jurisprudence, opère un revirement de jurisprudence par rapport à l’arrêt du 7 mai 2008 rendu par la 3ème Chambre civile, qui affirmait que le remboursement des sommes versées par l’acheteur au vendeur n’était pas dû par le débiteur de la garantie d’achèvement  (qui n’est pas une garantie de remboursement) en cas de défaillance du vendeur, même en cas de résolution de la vente.



La haute juridiction entend protéger davantage l’acheteur, partie faible au contrat de vente en l’état futur d’achèvement, en faisant reposer la charge du remboursement des sommes versées au vendeur sur le débiteur fautif de l’obligation de garantie d’achèvement en cas de défaillance du vendeur. L’objectif est d’assurer l’indemnisation totale du préjudice subi, ce qui s’inscrit dans la mouvance actuelle de la jurisprudence de la Cour de cassation, que l’on peut qualifier de consumériste.



Liens :



Arrêt n°1404 du 26 novembre 2014-Cour de cassation-3ème Civ



Arrêt du 7 mai 2008-Cour de cassation-3ème Civ





                                                                                                                                 RL


lundi 24 novembre 2014

L’acceptation par la CEDH d’une « perpétuité réelle » en France - Arrêt de la CEDH du 13 novembre 2014, affaire Bodein c. France (requête n° 40014/10)


Les faits

Le 11 juillet 2007, la Cour d’assises du Bas-Rhin a condamné Monsieur Bodein à la réclusion criminelle à perpétuité, avec impossibilité de bénéficier des mesures d’aménagement de peine prévues à l’article 132-23 du code pénal. En effet, le condamné a commis trois meurtres, selon un mode opératoire similaire, dont deux sur mineurs de 15 ans avec viol. Il se trouvait en état de récidive, déjà condamné en 1996. De plus, il a fait l’objet de neuf condamnations entre 1969 et 2008, dont quatre de nature criminelle.

Suite à cette condamnation, il interjeta appel. Dans un arrêt du 2 octobre 2008 la Cour d’assises du Haut-Rhin confirma la condamnation et les mesures prises dans l’arrêt de première instance. Il persista et forma un pourvoi en cassation d’une part pour l’absence de motivation dans l’arrêt d’assises et d’autre part considérant sa peine inhumaine et dégradante. Toutefois la Cour de cassation rejeta son pourvoi.

Il est actuellement en détention au centre pénitentiaire des Moulins.


La loi du 1er février 1994 instituant une peine incompressible

Cette peine est régie aux articles 221-3 et 221-4 du code pénal prévoyant, notamment en cas d’assassinat ou de meurtre d’un mineur de moins de quinze ans précédé ou accompagné de viol, la possibilité pour les Cours d’assises de prononcer, par décision spéciale, une peine de réclusion criminelle à perpétuité incompressible. C’est-à-dire que la période de sûreté est égale au quantum de la peine prononcée.

Le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de cette loi dans une décision du 20 janvier 1994 (DC n°93-334).


La requête devant la CEDH

Monsieur Bodein a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, soutenant une violation de l’article 6 §1 (garantissant le droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droit de l’homme et de son article 3 (interdisant les traitements inhumains ou dégradants).

Selon le requérant, d’une part, l’absence de motivation de l’arrêt de la cour d’assises porte atteinte au droit à un procès équitable. D’autre part, la condamnation à une peine à perpétuité incompressible constitue un traitement inhumain et dégradant.


La décision de la CEDH
Bien que recevant la requête de Monsieur Bodein, la Cour infirme toute violation des articles 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droit de l’homme par la France.

Ainsi, concernant l’article 6 § 1, « la Cour estime que le requérant a disposé de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict de condamnation qui a été prononcé à son encontre ».

De plus, la Cour souligne que, depuis les faits, le législateur français a opéré une réforme par une loi du 10 août 2011, insérant un nouvel article 365-1 au code de procédure pénale. Ce dernier, afin de remédier au défaut de motivation des arrêts d’assises, prévoit une motivation de ces arrêts au sein d’un document spécial appelé « feuille de motivation ». De ce fait, la Cour estime qu’une « telle réforme, semble donc a priori susceptible de renforcer significativement les garanties contre l’arbitraire et de favoriser la compréhension de la condamnation par l’accusé, conformément aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention ».

Ensuite, concernant l’article 3, la Cour affirme que la législation française est conforme à la Convention. En effet, l’article 720-4 du code de procédure pénale prévoit un réexamen de la situation du requérant à l’issue d’un délai de trente ans, à compter du mandat de dépôt. Si la Cour interprète l’article 3 comme interdisant les peines perpétuelles incompressibles, elle ne considère pas en l’espèce que la peine soit de cette nature. En effet, le réexamen prévu par la législation française, laisse entrevoir au détenu la perspective d’être un jour libéré, ce qui est conforme à l’interprétation de l’article 3.

Enfin, précisons que si la Cour avait condamné la France, elle aurait de ce fait condamné le Conseil constitutionnel, qui s’était préalablement prononcé, situation qui ne s’est encore jamais produite.



Lien utile :

Arrêt de la CEDH du 13 novembre 2014, affaire Bodein c. France (requête n° 40014/10)


AF

lundi 17 novembre 2014

L’extradition des personnes ayant acquis la nationalité française - Décision du Conseil constitutionnel du 14 novembre 2014 n°2014-427 QPC


Rappel sur l’extradition

L’extradition est encadrée par les articles 696 et suivants du code de procédure pénale (CPP). Ainsi, toute personne n’étant pas de nationalité française peut être remise par le gouvernement français à un gouvernement étranger (art. 696-2 CPP). L’extradition n’est cependant possible que pour certaines peines encourues. Elle est notamment acceptée pour des peines criminelles ou correctionnelles, dont le maximum encouru pour ces dernières est d’au moins deux ans d’emprisonnement (art 696-3 CPP). De plus, il faut que loi française sanctionne l’infraction d'une peine criminelle ou correctionnelle (art 696-3 CPP).



La saisine du Conseil constitutionnel

Le 14 novembre 2014, le Conseil constitutionnel a rendu une décision suite à une saisine de la Cour de cassation du 9 septembre 2014, pour une question prioritaire de constitutionnalité.

Ainsi, la Cour de cassation a interrogé les Sages sur la conformité à la Constitution de l’article 696-4 1° du CPP. Lequel dispose que « l’extradition n'est pas accordée […] lorsque la personne réclamée a la nationalité française, cette dernière étant appréciée à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise ».



La question prioritaire de constitutionnalité

Le législateur a prévu, à l’article 696-4 1° du CPP, que la nationalité française devait être appréciée au moment de l’infraction. En effet, si la nationalité française n’est pas d’origine, elle peut être obtenue par acquisition. Si celle-ci s’est réalisée postérieurement à la commission de l’infraction, alors l’extradition pourra être acceptée. C’est sur cette appréciation de la nationalité française que s’est portée la question prioritaire de constitutionnalité.

Selon le requérant, cette disposition violerait l’article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, affirmant que la loi doit être la même pour tous. De ce fait, l’appréciation de la nationalité française au moment du fait reproché opèrerait une inégalité entre les nationaux français.



La décision du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a affirmé que l’article 696-4 1° du CPP était conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution. Estimant ainsi, que « la différence de traitement […] est fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi », et qu’ainsi « le législateur a également entendu faire obstacle à l'utilisation des règles relatives à l'acquisition de la nationalité pour échapper à l'extradition ». Le législateur n’a donc pas porté atteinte au principe d’égalité devant la loi.

Rappelons enfin que cet article 696-4 1° du CPP est en adéquation avec les dispositions du code civil régissant l’acquisition de la nationalité, et vise à éviter leur contournement. À cet égard, la nationalité française ne peut point être acquise en cas de condamnation « pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme », ou en cas de condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis (art. 21-27 du code civil).



Liens utiles :

Décision du Conseil constitutionnel du 14 novembre 2014 n°2014-427 QPC

Articles 696 et suivants du code de procédure pénale



AF

Droit des contrats: faute lourde - indemnisation totale du préjudice - Arrêt n°1255 du 29 octobre 2014-Cour de Cassation-1ère Chambre civile



Faits

Un couple confie son déménagement à une société de transport. Les biens du couple sont abimés par la moisissure durant le transport. Or il s’avère que le transporteur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour éviter ce préjudice, qui était pourtant prévisible, étant donné que le transport se faisait par navire dans une zone tropicale.


Procédure

La MAIF (assureur du couple) assigne le transporteur en indemnisation du préjudice subi par le couple. La Cour d’appel accueille la demande de la MAIF en retenant la faute lourde du transporteur, mais limite l’indemnisation aux préjudices prévus ou prévisibles à la conclusion du contrat, sur le fondement de l’article 1150 du code civil.


Contexte en droit positif :

L’article 1150 du code civil dispose que « Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée. ».

La faute lourde se caractérise par un comportement d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait accepté.


Question posée à la Cour :

La faute lourde du contractant à l’origine d’un dommage empêche-t-elle la limitation de l’indemnisation de son cocontractant aux dommages prévus ou prévisibles à la conclusion du contrat ?


Solution

La Cour de Cassation casse et annule l’arrêt d’appel au visa de l’article 1150 du code civil, en ce qu’il limite l’indemnisation de la victime.
Elle affirme dans un attendu de principe que « la faute lourde, assimilable au dol, empêche le contractant auquel elle est imputable de limiter la réparation du préjudice qu’il a causé aux dommages prévus ou prévisibles lors du contrat et de s’en affranchir par une clause de non-responsabilité ».

En assimilant la faute lourde au dol, la Cour de cassation refuse, par une application extensive de l’article 1150 du code civil, la limitation de l’indemnisation de la victime d’une faute lourde.


Conclusion :

La Cour de cassation par cet arrêt, reprend mot pour mot la décision rendue par la Chambre des requêtes le 24 octobre 1932 en matière de clause de non-responsabilité. (Même solution en matière de clause limitative de responsabilité : Chambre civile 29 juin 1932).
En conservant cette interprétation extensive de l’article 1150 du code civil, la Cour de cassation sanctionne fermement l’auteur de la faute lourde, tout en protégeant davantage son cocontractant via l’indemnisation totale de son préjudice.


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RL

vendredi 14 novembre 2014

L’avocat peut recourir à la publicité et la sollicitation personnalisée - Décret n°2014-1251 du 28 octobre 2014


La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation et son décret d’application du 28 octobre 2014 opèrent une véritable révolution dans la profession d’avocat.


L’autorisation de la publicité et de la sollicitation personnalisée

L’article 13 de la loi du 17 mars 2014 est venu compléter l’article 3 bis de la loi du 31 décembre 1971 avec deux nouveaux alinéas. Le premier autorise l’avocat à recourir à la publicité et à la sollicitation personnalisée. Le second prévoit que les prestations, réalisées consécutivement à une telle sollicitation, doivent faire l’objet d’une convention d’honoraires.

Les avocats peuvent remercier les experts comptables !

En effet, cette évolution n’est pas anodine, mais fait suite à un arrêt du 5 avril 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne (affaire C‑119/09). La Cour s’oppose à « une réglementation nationale qui interdit totalement aux membres d’une profession réglementée, telle que la profession d’expert-comptable, d’effectuer des actes de démarchage ». Bien entendu cette jurisprudence, concernant la profession d’expert-comptable, a vocation à s’appliquer à l’ensemble des professions réglementées, dont celle d’avocat.


Le décret du 25 août 1972, relatif au démarchage et à la publicité en matière de consultation et de rédaction d’actes juridiques, et modifié par un décret du 12 juillet 2005, permettait déjà à l’avocat de faire de la publicité. Ainsi, « La publicité est permise à l'avocat si elle procure une information au public et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession ». Ces derniers principes sont notamment le respect de la discrétion professionnelle, de la vie privée et des confrères. De plus, le décret du 28 octobre 2014 précise que l’information donnée doit être « sincère ». Cependant les modes de publicité sont restreints, l’avocat ne peut pas y procéder « par voie de tracts, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées ».


Si la publicité était déjà autorisée de façon restrictive, tout démarchage restait formellement interdit jusqu’au décret d’application du 28 octobre 2014.


Il n’est point question d’autoriser tout démarchage à l’avocat. En effet il ne s’agit pas là du démarchage en personne à domicile. La sollicitation personnalisée consiste en « l’envoi postal ou d'un courrier électronique adressé au destinataire de l'offre de service » (article 2 du décret du 28 octobre 2014). Toutefois, l’avocat ne peut procéder au démarchage par envoi d’un message écrit sur un téléphone portable.


La suppression des sanctions pénales pour l’avocat en cas de démarchage interdit

Le décret du 25 août 1972 prévoyait en cas de démarchage illicite de l’avocat deux peines. Ainsi l’avocat encourait d’une part une amende de 90 à 150 euros et d’autre part dix jours à un mois d’emprisonnement, peines doublées en cas de récidive. Dès lors, avec le nouveau décret, l’avocat ne sera plus sanctionné pénalement. Mais en cas de démarchage non-autorisé, une sanction disciplinaire lui sera appliquée.


Cependant, pour les personnes n’ayant pas le statut d’avocat, si ces derniers opèrent un démarchage ou une publicité en matière de consultation et de rédaction d'actes juridiques, l'article L.121-23 du code de la consommation leur réserve une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 150 000 €.



Si les partisans de la loi du 17 mars 2014 félicitent un pas vers une modernisation nécessaire de la profession, comme le souhaitait le Conseil National des Barreaux ; les opposants quant à eux y voient une « dérive à l’américaine ».

AF


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Décret n° 2014-1251 du 28 octobre 2014 relatif aux modes de communication des avocats

Décret n°72-785 du 25 août 1972 relatif au démarchage et à la publicité en matière de consultation et de rédaction d'actes juridiques

LOI n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation

jeudi 13 novembre 2014

Atteinte portée aux droits de la défense d’un étranger placé en rétention - Ordonnance de la Cour d’appel de Douai du 17 septembre 2014 N° 14/00692 et 14/00693


L’article L. 611-1-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) régit la prise d’empreinte digitale d’un étranger. Une telle mesure ne sera possible que si elle constitue l’unique moyen d’établir la situation de l’étranger et si le procureur de la République en a été informé au préalable. De plus, le procès verbal de fin de retenue devra faire état de l’utilisation d’une telle mesure.


La Cour d’appel de Douai estime que ces conditions n’ont pas été respectées. En effet, le Procureur n’a aucunement été avisé de cette mesure. Par ailleurs le procès-verbal ne fait pas mention de l’utilisation des empreintes digitales. Enfin, la préfecture n’apporte aucune précision sur les modalités d’obtention de ces empreintes.


Pour ces raisons, le placement en centre de rétention administrative est illégal car il porte atteinte à l’article L.552-13 du CESEDA qui dispose qu’en cas de : « violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger ».

C’est ainsi que la Cour prononce la fin du placement en détention de l’étranger car la procédure est irrégulière et porte atteinte à ses droits au motif qu’il s’agit en l’espèce d’une « mesure d’atteinte corporelle ».




SC

Le rappel d’une obligation sérieusement contestable pour le référé provision - Cour de cassation, Chambre Commerciale arrêt du 23 septembre 2014 n°13-11.836



Qu’est-ce-que le référé provision ? Le référé provision est un moyen procédural au bénéfice du créancier qui lui permet de saisir le président du tribunal de grande instance (art.809 alinéa 2 Code de procédure civile), ou du tribunal de commerce (art.873 alinéa 2), d’une demande de versement d’une provision. La provision étant définie comme la somme d’argent à valoir sur le montant total d’une créance, versée jusqu’à décision définitive au fond. Elle est donc de nature provisoire.


Mais pour obtenir satisfaction, encore faut-il que le créancier justifie du caractère non sérieusement contestable de l’obligation dont il se prévaut. Tel n’est pas dans le cas de l’arrêt de la Chambre commerciale en date du 23 septembre 2014. 


En l’espèce, la société DBT et la société Lactea limited avait conclu un contrat de commercialisation de matériels le 1er octobre 2008. Cette dernière s’engageant à faciliter les commandes moyennant une commission calculée en proportion des sommes encaissées. Le 9 juin 2009 un nouveau contrat est signé annulant et remplaçant le contrat précédent signé le 1er octobre 2008. Or, entre temps la société DBT a reçu une commande et encaissé un acompte le 29 mars 2011. 


Le 7 juillet 2011 la société Lactea limited, s’estimant créancière d’une commission au regard de cette commande, a donc assigné la société DBT en paiement, à titre provisoire, du montant de sa commission.



La Cour d’appel de Douai accueille la demande de provision au motif que le versement des dites commissions n’est pas sérieusement contestable. 


Cependant, la Chambre commerciale n’a pas la même position. Elle casse et annule dans toutes ses dispositions l’arrêt d’appel aux motifs que : « la cour d’appel, qui a dû interpréter les clauses des contrats, a tranché une contestation sérieuse et violé les dispositions du texte susvisé. » (Art. 873 alinéa 2 Code de procédure civile). 


La Cour de cassation rappelle ici que le juge du référé provision se distingue du juge du principal, lequel devra juger sur l’existence du droit invoqué. 


Contrairement au juge du référé provision qui est par définition « le juge de l’évidence », le juge du principal ne doit faire aucun doute sur l’existence de l’obligation que le créancier soutient à sa demande de provision. Or, le fait de devoir interpréter les clauses d’un contrat fait preuve de l’absence d’évidence et ainsi du caractère sérieusement contestable de la créance. 

SC
Mots-clés : contrat, responsabilité, procédure civile

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La décision du 9 octobre 2014 du Conseil constitutionnel sur la garde à vue.

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation le 16 juillet 2014 d’une question prioritaire de constitutionnalité à propos de la conformité des articles 706-73 et 706-88 du Code de procédure pénale (CPP). Il y a répondu par une décision en date du 9 octobre 2014.

§ 1 : la conformité de l’article 706-88 du Code de procédure pénale

L'article 706-88 CPP permet, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction relatives à l'une des infractions de l'article 706-73 l'exigent, de prolonger la garde à vue d'une personne de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune (soit en tout 96 heures de garde à vue).
Le Conseil constitutionnel avait déjà jugé, dans une décision du 2 mars 2004, la conformité de l’article 706-88 du Code de procédure pénale au bloc de constitutionnalité. Cette décision avait alors déclaré que ledit article ne portait pas une atteinte excessive à la liberté individuelle. De même, les cinq premiers alinéas de l’article 706-88 ont été déclarés conformes à la Constitution.

§ 2 : la non-conformité de l’article 706-73 CPP à la Constitution

L'intérêt de la décision du 9 octobre 2014 concerne l’article 706-73 du CPP. 
 
La garde à vue pouvant aller jusqu’à 96h pour les crimes et délits commis en bande organisée prévue par l'article 706-88 CPP n’est pas en elle-même déclarée inconstitutionnelle. C'est parce qu’il rend possible l’utilisation de la garde à vue pour une personne suspectée d’escroquerie commise en bande organisée que l'article 706-88 a été déclaré inconstitutionnel

En effet, le Conseil constitutionnel fait une distinction entre les infractions portant une atteinte grave à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, et celles qui ne portent pas atteinte à ces valeurs (Conseil Constitutionnel, 4 décembre 2013, n° 2013-679 DC à propos de la fraude fiscale). L'escroquerie, même en bande organisée, ne porte pas atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes et dès lors cette infraction ne justifie pas un délais de garde à vue aussi longue. L'article 706-73 est donc inconstitutionnel mais seulement en ce qu'il concerne l'escroquerie en bande organisée. 
 
§ 3 : les effets dans le temps de la décision

Le Conseil constitutionnel a considéré que l'abrogation immédiate de la partie de l'article 706-73 concernée aurait pour effet d'empêcher le recours à une garde à vue de quatre-vingt-seize heures pour des faits d'escroquerie en bande organisée, mais aussi de faire obstacle à l'usage des autres pouvoirs spéciaux de surveillance et d'investigation ce qui aurait « des conséquences manifestement excessives ». Dès lors, les membres du Conseil Constitutionnel ont décidé de reporter l'abrogation au 1er septembre 2015 afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité.

Les membres ont également précisé que les dispositions de l'article 706-73 du code de procédure pénale ne pourront plus être permettre le recours à la garde à vue de l'article 706-88 pour des faits d'escroquerie en bande organisée à compter de la publication de la décision
Cependant le Conseil constitutionnel a décidé que les mesures de garde à vue prises avant la publication de la décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité car cela « méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et aurait des conséquences manifestement excessives ». 

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mercredi 5 novembre 2014

L’avocat : un mandataire dont la robe fait foi - Avis de la Cour de cassation n° 15 009 du 8 septembre 2014


Devant le Conseil des Prud’hommes, la procédure débute par une phase de conciliation. Si le défendeur ne comparait pas devant le bureau de conciliation prud’homale et que le recours à une mesure d'information ou d'instruction n’est pas nécessaire, l'affaire est renvoyée au bureau de jugement (article R. 1454-17 du code du travail). Cependant le défendeur, s’il justifie en temps utile d'un motif légitime d'absence, peut se faire représenter. À cet effet le mandataire doit se munir d'un écrit l'autorisant à concilier au nom et pour le compte du défendeur (article R. 1454-13, alinéa 2, du code du travail).


Une demande d’avis à la Cour de cassation a été formulée le 5 mai 2014 par le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Melun. L’interrogation portait alors sur l’application ou non de l’article R. 1454-13, alinéa 2, du code du travail à l’avocat.


En effet, l’article 416 du code de procédure civile dispense l’avocat d’avoir à justifier d’un mandat reçu pour représenter ou assister une personne. Ensuite, l’article 417 de ce même code le répute avoir reçu le pouvoir spécial d’accepter, de consentir et d’offrir au nom et pour le compte du mandant. Ces règles s’appliquent aussi bien à l’égard du juge que de la partie adverse. 


Ainsi, la Cour de cassation, dans cet avis du 8 septembre 2014, a affirmé que l’article R. 1454-13, alinéa 2, du code du travail ne s’appliquait pas à l’avocat et ce en vertu des articles 416 et 417 du code de procédure civile. L’avocat n’a donc pas à produire un mandat spécial l’autorisant à concilier en l’absence du défendeur. Cet avis illustre parfaitement l’adage selon lequel « l’avocat doit être cru sur sa robe ».

AF


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Loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales

La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales a pour objectif la réinsertion et la prévention de la récidive. Suite à l’adoption de la loi, les parlementaires ont saisi le Conseil constitutionnel qui a rendu sa décision le 7 août 2014 (déc. n° 2014-696, DC). L'article 49 de cette loi a été déclaré inconstitutionnel car il ne respectait pas le principe de l'individualisation de la peine découlant de l'article 8 de la DDHC de 1789.

La majorité des dispositions de la loi sont effectives depuis le 1er octobre 2014.



Les principales mesures


1) Le principe d’individualisation est renforcé par le nouvel article 130-1 du Code pénal prévoyant les finalités de la peine à savoir : « sanctionner l’auteur de l’infraction » (alinéa 1) mais aussi, favoriser l’amendement, l’insertion et la réinsertion du condamné (alinéa 2). Le principe est réaffirmé à l’article 132-1 du Code pénal, en son alinéa 2 ajouté par la réforme : « toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée ». On pourrait s’étonner de cette déclaration de principe : le principe d’individualisation de la peine était jusqu’à présent garanti par l’article 132-24 du Code pénal, maintenant vidé de sa substance. En effet, il ne fait que réitérer l’article 130-1 du Code pénal alors qu’auparavant il prévoyait des techniques pour individualiser la peine et confirmait le principe de réinsertion du condamné.

En arrière-plan, se trouve la nécessité de désengorger les centres pénitentiaires qui peinent à remplir leur rôle dans de telles conditions.



2) La loi met fin aux peines planchers, qui concernaient les récidivistes et les infractions les plus graves, et à la surveillance électronique de fin de peine.



3) La loi du 15 août 2014 met par ailleurs en place un dispositif de libération sous contrainte: à partir des 2/3 de la peine, le juge d’application des peines examinera la situation de chaque condamné et pourra décider d'un plan de sortie progressive du milieu carcéral.

Des aménagements de peine existent déjà (la libération conditionnelle a été créée en 1885). Mais ils restent dans l’ensemble peu appliqués en France.



4) La loi a en outre créée la contrainte pénale qui s’applique à tous ceux ayant été condamnés pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égal à cinq ans et qui nécessite un accompagnement  « socio-éducatif individualisé et soutenu (Code pénal, art. 131-4-1) ». Le condamné pourra être obligé de suivre des mesures de contrôle, d’interdiction et d’obligation telles que la réparation de dommages causés par l’infraction, l’obligation de suivre un enseignement ou une formation professionnelle, des traitements médicaux ou des soins ou encore un stage de citoyenneté... Ces mesures sont définies par les articles 132-44 et 132-45 du Code pénal. Ceci n’est pas sans poser quelques interrogations sur la compatibilité de ce dispositif avec le sursis accompagné d’une mise à l’épreuve (Code pénal, art. 132-40 à 132-53).



5) Selon la loi du 15 août 2014, les officiers de police judiciaire pourront désormais, sur autorisation du Procureur de la République, proposer une transaction pénale en cas de délit puni d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement de maximum un an.



6) La révocation de plein droit du sursis simple sera supprimée à partir du 1er janvier 2015. Elle sera remplacée par une décision spéciale de la juridiction qui se prononcera sur une nouvelle condamnation (modification de l’article 132-36 du Code pénal).



7) Les droits de la victime seront mieux pris en compte tout au long de l’exécution de la peine. La loi réaffirme ainsi le droit à obtenir réparation du préjudice subi, à être informée, sur demande expresse, du devenir du condamné et à la protection. À ces fins, chaque TGI disposera d’un bureau d’aide aux victimes afin de faciliter l’information de celles-ci tout au long de la procédure.



L'application de la loi :


La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 octobre 2014, a appliqué les dispositions de loi du 15 août 2014. En l’espèce, Mr X, en état de récidive légale, avait était déclaré absent à son procès alors que l’assignation ne lui avait pas été transmise du fait d’une erreur d’adresse. Il avait été condamné à un an d’emprisonnement (peine plancher) sans bénéficier d’un aménagement de peine. La Cour d’appel l’avait condamné sans juger de la personnalité du requérant puisqu’il était absent malgré lui.

La Cour de cassation a annulé la peine d’emprisonnement au motif que la loi du 15 août 2014 étant moins sévère, elle s’applique aux condamnations n’ayant pas la force de chose jugée. Dès lors, on ne pouvait pas lui appliquer une peine plancher prévue à l’article 132-19-1 du Code pénal et abrogé par la loi du 15 août 2014.

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samedi 1 novembre 2014

ADOPTION DES ENFANTS NÉS D'AMP À L'ÉTRANGER - Avis de la Cour de cassation du 22/09/2014

Faits :
Un couple de femmes mariées a eu recours à la procréation médicalement assistée avec tiers donneur à l’étranger. La conjointe de la mère biologique souhaite adopter l’enfant né de cette procréation.


Contexte législatif :
La loi du 17 mai 2013 a ouvert le mariage aux personnes de même sexe (article 143 du code civil). L’adoption de l’enfant du conjoint dans un couple homosexuel est donc désormais possible (article 345-1 du code civil).
Toutefois l’assistance médicale à la procréation (AMP, aussi appelée “PMA”) demeure prohibée pour ces couples au regard de l’article L.2141-2 du Code de la santé publique. En effet, cet article dispose que : « L'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué.». Et il précise clairement que l’AMP n’est possible que pour les couples formés par «un homme» et «une femme».

Question posée à la Cour :
L’avis de la Cour de cassation a été demandé par les TGI d’Avignon et de Poitiers sur le point de savoir si l’accès à l’AMP avec tiers donneur à l’étranger par un couple de femme est de nature à constituer une fraude à la loi qui empêche le prononcé de l’adoption pour la conjointe de la mère biologique. (NB : Cette problématique se distingue de celle de l’arrêt Mennesson c/France de la CEDH du 26/06/2014, portant sur la gestation pour autrui).

Solution :
La Cour de cassation ne retient pas la fraude en faisant primer l’intérêt supérieur de l’enfant (Consacré en premier lieu par l’article 3 de la Convention de New-York du 26/01/1990),ainsi que le droit à la vie privée et familiale (Consacré par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme). Elle consent au prononcé de l’adoption par l’épouse de la mère, considérant qu’elle est valable, sous réserve, bien entendu, que les conditions légales de l’adoption soient remplies et que l’adoption soit conforme à « l’intérêt de l’enfant ».

Conclusion :
Si on suit ces avis, la Cour de cassation reconnaît l’adoption, dans ce cas de figure, même si notre droit interdit aux couples homosexuels de recourir à l’AMP. Dans cette logique, ces couples peuvent donc se faire inséminer à l’étranger et revenir en France pour prononcer l’adoption sans que la fraude à la loi française puisse leur être opposée.
Mais il ne s’agit là encore que d’avis et il faudra rester attentif sur les éventuelles jurisprudences à venir en la matière.

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mardi 28 octobre 2014

Bienvenue à tous.

Bienvenue sur le blog d'actualités juridiques 2014/2015 créé par les étudiants du Master 2 Carrières judiciaires de l'Université du Havre.
Notre objectif est de vous proposer une actualité juridique concise et de qualité sur les thèmes suivants:
-Droit civil et procédure civile
-Droit pénal et procédure pénale
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-Droit comparé

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