Par une décision du 10 février 2016, le Conseil d’État poursuit la redéfinition de l’intérêt à agir contre un permis de construire au sens de l'article L.600-1-2 du Code de l'urbanisme. En effet, le Conseil d'État restreint sévèrement l'intérêt à agir contre une autorisation d'urbanisme remettant en cause le contentieux des décisions d'urbanisme dans son ensemble.
I) Faits
Des propriétaires de maisons situées à proximité immédiate
d’un terrain, sur lequel le Maire de Marseille a délivré un permis de
construire, ont saisi le tribunal administratif de Marseille.
En effet, ils souhaitent obtenir d’une part l’annulation pour
excès de pouvoir de ce permis, et d’autre part, l’annulation de la décision
implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur le recours gracieux
formé contre ledit permis.
II) Procédure
Le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande
d’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire par une ordonnance
du 5 novembre 2014.
Le tribunal statuant en premier et dernier ressort sur les
recours contre les permis de construire, les propriétaires se pourvoient alors
en cassation afin que l’ordonnance du 5 novembre 2014 soit annulée.
III) La restriction de l'intérêt à agir contre une autorisation d'urbanisme
III) La restriction de l'intérêt à agir contre une autorisation d'urbanisme
Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de
l’urbanisme : « Une personne autre que l'État, les
collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est
recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de
construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou
les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation,
d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement
ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat
préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de
la construction et de l'habitation ».
Le Conseil d’État vient sévèrement restreindre la définition
de l’intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme par cet arrêt
du 10 février 2016, en jugeant irrecevables deux requérants propriétaires de
maisons situées à proximité immédiate d’un
projet immobilier consistant à édifier une résidence à deux étages et
comprenant 18 logements.
La haute
juridiction précise ensuite que les écritures et les documents produits par le
requérant doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions
d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles
d'être directement affectées par le projet litigieux.
Le Conseil d’État précise donc que l’atteinte doit être
suffisamment précise, claire et doit affecter directement la jouissance du bien
du requérant.
IV) Solution
Le Conseil d’État constate qu’en l’espèce, afin de justifier
son intérêt à agir, le premier requérant invoque sa qualité de propriétaire
ainsi que la mitoyenneté de sa parcelle avec le projet litigieux. Alors que le
second requérant invoque sa qualité de propriétaire ainsi que la co-visibilité
dans laquelle se trouve être sa propriété avec le projet litigieux, dans le but
de justifier son intérêt à agir.
En effet, les deux requérants ont uniquement produit la copie de leurs attestations de propriété ainsi que le plan de situation cadastral déjà fourni.
En effet, les deux requérants ont uniquement produit la copie de leurs attestations de propriété ainsi que le plan de situation cadastral déjà fourni.
Par conséquent, les requérants n’ont pas apporté les précisions nécessaires à l'appréciation
de l'atteinte directe portée par le projet litigieux à leurs conditions
d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien.
V) Analyse
Auparavant, il suffisait de prouver une relative proximité avec un projet pour pouvoir être recevable à le contester devant le juge administratif, et donc avoir un intérêt à agir. Cependant depuis la réforme de 2013, il est nécessaire que le requérant établisse que le projet porterait une atteinte directe à l’usage de son bien.
En effet, maintenant pour le Conseil d’État, la seule
proximité avec le projet n’est plus suffisante. C’est pour cette raison que le
Conseil d’État conclut que dans ces circonstances, les requérants étaient
dépourvus d’intérêt à agir à l’encontre du permis de construire litigieux.
Il était déjà observable que les conditions définies par la
jurisprudence administrative pour avoir un intérêt à agir à l’encontre d’une
autorisation d’urbanisme tendaient vers un durcissement. En effet, la haute
juridiction administrative par cet arrêt du 10 février 2016 a confirmé la
portée de l’arrêt du 10 juin 2015 (n° 386121) et est venue compléter
l’interprétation du nouvel article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, tout en
apportant des éléments quant à la substance de la preuve devant être rapportée.
Dans l’arrêt du 10 juin 2015, le Conseil d‘État considère que
le requérant est tenu de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un
intérêt lui donnant qualité pour agir. Il peut à ce titre faire état de tous
éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte
est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation,
d'utilisation ou de jouissance de son bien.
L’atteinte alléguée peut être la création de vues sur un
espace de vie du bien, la perte d’une vue depuis le bien, l’exposition à des
nuisances olfactives, sonores, ou éventuellement sanitaires. L’atteinte n’a pas
à être certaine, elle peut seulement être potentielle, mais elle doit en tout
état de cause être suffisamment précisée et étayée.
La sévérité avec laquelle le Conseil d’État, dans l’arrêt du
10 février 2016, restreint encore l’intérêt à agir du requérant peut
surprendre. Toutefois la rédaction de cet arrêt laisse néanmoins penser que le
Conseil d'État a confirmé le rejet de la requête en raison du fait que les
requérants se sont bornés à produire leurs attestations de propriété et un plan
de situation cadastral. Cet arrêt montre donc que les requérants devront
désormais appuyer solidement leur démonstration concernant l’atteinte par le
projet litigieux à leurs conditions d’occupation, d’utilisation ou de
jouissance de leur bien.
En conclusion, le Conseil d’État réalise ainsi un équilibre
entre l’intention du législateur de contrôler plus étroitement l’intérêt à agir
des auteurs contre des autorisations d’urbanisme et le droit d’accès au juge.
R.M
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