Décision n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014
§ 1 : Rappel de l’actualité juridique
La procédure pénale
spécifique à la criminalité organisée (art 706-73 CPP) suscite beaucoup de débat.
Le 9 octobre 2014, elle avait déjà fait l’objet d’une QPC concernant la garde à
vue de 96h pour une escroquerie en bande organisée (voire notre précédent article).
L’escroquerie n’étant pas une infraction portant atteinte à la dignité,
sécurité ou à la vie des personnes, le Conseil constitutionnel a déclaré
inconstitutionnel l’article 706-73 du CPP permettant la garde à vue de 96h.
§ 2 :
Dispositions contestées
Dans la QPC du 21
novembre 2014, il s’agit de la constitutionnalité des 6ème à 8ème
alinéas de l’article 706-88 du Code de procédure pénale. Ces alinéas 6 à 8
prévoient le report de l’intervention de l’avocat lors d’une garde à vue. Ce
report est décidé par le procureur de la République pour une durée de 24
heures. Pour un délai supérieur à 24 heures, l’autorisation du juge des
libertés et de la détention est nécessaire. L’intervention de l’avocat peut
donc être différée de 48 heures. Pour les infractions relevant du terrorisme ou
du trafic de stupéfiants, le report peut aller jusqu’à 72 heures. La question
est donc de savoir si ce report est constitutionnel.
§ 3 : Arguments
des requérants
Cette question est
légitime. D’une part, le report de l’intervention de l’avocat porte
manifestement atteinte aux droits de la défense. D’autre part, la QPC du 9
Octobre 2014 (déjà cité) dispose que l’inscription de l’escroquerie aux
infractions de l’article 706-73 du CPP est inconstitutionnelle. Pour comprendre
la solution, il est nécessaire d’aborder la jurisprudence antérieure.
§ 4 :
Jurisprudences antérieures
Sur cette question, la
décision du 2 mars 2004 (lien) est éclairante : « [que], si le législateur peut prévoir des mesures d’investigation
spéciales en vue de constater des crimes et délits d’une gravité et d’une
complexité particulières […] c’est sous réserve que ces mesures soient
conduites dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire, gardienne
de la liberté individuelle, et que les restrictions qu’elles apportent aux
droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de
la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions
commises et n’introduisent pas de discriminations».
Cette décision est
d’autant plus éclairante qu’elle portait sur la constitutionnalité de la loi du
9 mars 2004 (dite Perben II). La loi Perben II a inséré l’article 706-73 au CPP
mais elle a également prévu le report de l’intervention de l’avocat pour
certaines infractions.
Le Conseil
constitutionnel va donc opérer un contrôle de proportionnalité. Il va regarder
si des garanties suffisantes existent pour contrebalancer la violation des
droits de la défense. Pour illustrer ce propos, la QPC du 18 novembre est
significative : « que, par
suite, eu égard aux cas et aux conditions dans lesquels elle peut être mise en
œuvre, la faculté d’un tel report assure, entre le respect des droits de la
défense et l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs
d’infractions, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée ». Cette
QPC portait sur les dispositions communes du report de l’intervention d’un
avocat prévue à l’article 63-4-2 du CPP.
Aussi, il convient de
rappeler que dans la QPC du 9 Octobre 2014, seul l’article 706-73 du CPP était
déclaré inconstitutionnel. De plus, le Conseil constitutionnel avait retardé
l’abrogation dudit article au 1er janvier 2015.
§ 5 : Solution
du Conseil constitutionnel
Conformément à sa
jurisprudence antérieure, Le Conseil constitutionnel a regardé les garanties
permettant le report de l’intervention de l’avocat. Ces garanties sont les
suivantes :
·
Il faut d’abord que la personne soit
soupçonnée d’avoir commis une infraction prévu à l’article 706-73 du CPP
·
Il appartient au magistrat compétent
de fixer la durée du report
·
Le magistrat peut décider d’utiliser
l’article 63-4-2 du CPP au lieu de l’art 706-88, permettant ainsi l’entretien
de 30 minutes entre l’avocat et la personne soupçonnée
·
La personne gardée à vue est informée
de son droit de garder le silence.
Lien de la décision : www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2014/2014428qpc.htm
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