mercredi 3 décembre 2014

Décision n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014


Décision n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014

        § 1 : Rappel de l’actualité juridique

La procédure pénale spécifique à la criminalité organisée (art 706-73 CPP) suscite beaucoup de débat. Le 9 octobre 2014, elle avait déjà fait l’objet d’une QPC concernant la garde à vue de 96h pour une escroquerie en bande organisée (voire notre précédent article). L’escroquerie n’étant pas une infraction portant atteinte à la dignité, sécurité ou à la vie des personnes, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l’article 706-73 du CPP permettant la garde à vue de 96h.

§ 2 : Dispositions contestées

Dans la QPC du 21 novembre 2014, il s’agit de la constitutionnalité des 6ème à 8ème alinéas de l’article 706-88 du Code de procédure pénale. Ces alinéas 6 à 8 prévoient le report de l’intervention de l’avocat lors d’une garde à vue. Ce report est décidé par le procureur de la République pour une durée de 24 heures. Pour un délai supérieur à 24 heures, l’autorisation du juge des libertés et de la détention est nécessaire. L’intervention de l’avocat peut donc être différée de 48 heures. Pour les infractions relevant du terrorisme ou du trafic de stupéfiants, le report peut aller jusqu’à 72 heures. La question est donc de savoir si ce report est constitutionnel.

§ 3 : Arguments des requérants

Cette question est légitime. D’une part, le report de l’intervention de l’avocat porte manifestement atteinte aux droits de la défense. D’autre part, la QPC du 9 Octobre 2014 (déjà cité) dispose que l’inscription de l’escroquerie aux infractions de l’article 706-73 du CPP est inconstitutionnelle. Pour comprendre la solution, il est nécessaire d’aborder la jurisprudence antérieure.

§ 4 : Jurisprudences antérieures

Sur cette question, la décision du 2 mars 2004 (lien) est éclairante : « [que], si le législateur peut prévoir des mesures d’investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d’une gravité et d’une complexité particulières […] c’est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que les restrictions qu’elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n’introduisent pas de discriminations».

Cette décision est d’autant plus éclairante qu’elle portait sur la constitutionnalité de la loi du 9 mars 2004 (dite Perben II). La loi Perben II a inséré l’article 706-73 au CPP mais elle a également prévu le report de l’intervention de l’avocat pour certaines infractions.

Le Conseil constitutionnel va donc opérer un contrôle de proportionnalité. Il va regarder si des garanties suffisantes existent pour contrebalancer la violation des droits de la défense. Pour illustrer ce propos, la QPC du 18 novembre est significative : « que, par suite, eu égard aux cas et aux conditions dans lesquels elle peut être mise en œuvre, la faculté d’un tel report assure, entre le respect des droits de la défense et l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée ». Cette QPC portait sur les dispositions communes du report de l’intervention d’un avocat prévue à l’article 63-4-2 du CPP.

Aussi, il convient de rappeler que dans la QPC du 9 Octobre 2014, seul l’article 706-73 du CPP était déclaré inconstitutionnel. De plus, le Conseil constitutionnel avait retardé l’abrogation dudit article au 1er janvier 2015.

§ 5 : Solution du Conseil constitutionnel

Conformément à sa jurisprudence antérieure, Le Conseil constitutionnel a regardé les garanties permettant le report de l’intervention de l’avocat. Ces garanties sont les suivantes :

·         Il faut d’abord que la personne soit soupçonnée d’avoir commis une infraction prévu à l’article 706-73 du CPP
·         Il appartient au magistrat compétent de fixer la durée du report
·         Le magistrat peut décider d’utiliser l’article 63-4-2 du CPP au lieu de l’art 706-88, permettant ainsi l’entretien de 30 minutes entre l’avocat et la personne soupçonnée
·         La personne gardée à vue est informée de son droit de garder le silence.

Au regard de ces garanties, le Conseil constitutionnel déclare que l’atteinte portée aux droits de la défense n’était pas disproportionnée. Les alinéas 6 à 8 de l’article 788 du CPP sont donc conformes à la Constitution.

Lien de la décision :  www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2014/2014428qpc.htm

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