dimanche 6 mars 2016

Ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille : L'habilitation familiale

Cette ordonnance fait suite à la loi du 16 février 2015 n°2015-177 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JO n°0040 du 17 février 2015). La loi a habilité le gouvernement à prendre des dispositions par voie d'ordonnance au plus tard le 17 octobre 2015.
L'ordonnance est arrivée à temps, elle est parue au JO le 16 octobre 2015 et elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Elle introduit notamment une nouvelle mesure de protection : l’habilitation familiale.

Ainsi, grâce à ce nouveau mécanisme, les proches d'un majeur protégé pourront le représenter. Cette nouvelle mesure est une technique bien moins lourde que les procédés classiques.

L'habilitation familiale est un nouveau mécanisme. Elle concerne la protection de majeurs qui sont hors d'état de manifester leur volonté en raison d'une altération soit de leurs facultés mentales, soit de leurs facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de leur volonté. La mesure permet à un proche de représenter cette personne pour certains actes seulement ou de manière générale.

Elle s'ajoute aux mesures de protection juridique préexistantes, soit la tutelle, la curatelle, la sauvegarde de justice et le mandat de protection futur. Deux conditions sont nécessaires pour qu'elle soit mise en place d'après l'article 494-2 du code civil : le juge ne la prononce qu'en cas de nécessité et il faut que l'application des règles de droit commun de la représentation ou les stipulations du mandat de protection future conclu par l'intéressé ne pourvoient pas aux intérêts de la personne à protéger.

La demande d'habilitation familiale se fait auprès du juge des tutelles par les personnes pouvant être habilitées, c'est- à-dire les ascendants, les descendants, les frères et sœurs, le partenaire de pacte civil de solidarité et le concubin. Ces personnes peuvent aussi aller devant le procureur de la République qui lui-même en fera la demande.

Les époux ne sont pas concernés car l'article 219 du code civil instaure un système de représentation judiciaire légale. En revanche, l'article n'exige pas un certificat médical circonstancié et l'époux n'a pas à justifier devant le juge des actes qu'il a pris seul. Cette représentation étant plus souple que l'habilitation familiale, la protection de la personne est aussi plus faible.

La demande d'habilitation familiale doit être accompagnée d'un certificat établi par un médecin et le juge des tutelles pourra entendre la personne à protéger. Un consensus familial doit exister afin que le juge prononce cette mesure, détermine son étendue et procède à la désignation de la personne habilitée. Si le juge ne peut vérifier ce consensus, il constatera l'absence d'opposition légitime à la mesure ou au choix de la personne habilitée.

L'habilitation peut porter sur des actes relatifs à la personne protégée et dans ce cas, la personne habilitée peut seulement interférer si l'état de la personne protégée ne lui permet pas d'accomplir ces actes. Il faut se référer au régime de la curatelle et de la tutelle figurant aux articles 457-1 à 459-2 du code civil. On y trouve par exemple les actes strictement personnels que la personne habilitée ne peut effectuer tel que la reconnaissance d'un enfant.

L'habilitation peut aussi porter sur des actes relatifs aux biens de la personne protégée. Ces actes d'administration ou de disposition peuvent être accomplis par la personne habilitée avec ou sans l'autorisation du juge des tutelles.
Il est même possible de déroger à l’article 427 du Code civil puisque la personne habilitée peut modifier des comptes ou livrets de la personne protégée voire en ouvrir en son nom sans autorisation préalable sauf décision contraire du juge. Au contraire, les actes de disposition à titre gratuit nécessitent obligatoirement l'autorisation du juge des tutelles pour être accomplis. De même, une action en nullité contre les actes passés par la personne protégée ou en réduction des obligations résultant de ces actes peut être engagée par la personne habilitée sans autorisation.
Ces actions en nullité ou en réduction doivent être exercées dans le délai de droit commun de cinq ans à compter de la date du jugement d'ouverture de la mesure. Les actes peuvent aussi être confirmés avec une autorisation du juge des tutelles.

Lorsque la personne habilitée accomplit des actes sans l'autorisation du juge alors qu'elle est obligatoire ou si elle transgresse son champ d'habilitation, l'acte est nul de plein droit.

L'ordonnance crée deux types d'habilitation, une générale et une spéciale.
L'habilitation générale est fixée pour une durée de 10 ans renouvelable. Par décision spéciale et motivée, le juge peut la fixer pour une durée de 20 ans lorsque l'altération des facultés n'est pas susceptible d'amélioration selon les données acquises de la science. Elle porte soit sur l'ensemble des actes, soit seulement sur les actes relatifs à la personne ou les actes relatifs aux biens.
L'habilitation spéciale dure jusqu'à ce que soient accomplis les actes visés dans le champ de l'habilitation prononcée par le juge.

A tout moment, le juge des tutelles peut modifier l'étendue de l'habilitation ou y mettre fin à la demande de l'un des proches. La mesure prend également fin par le décès de la personne protégée, par son placement sous sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle mais aussi lorsque les conditions de l'article 494-2 ne sont plus réunies ou lorsque l'exécution de la mesure porte atteinte aux intérêts de la personne protégée et ceci à la demande d'un proche ou du procureur de la République. Elle cesse également si aucun renouvellement n'est effectué à l'expiration du délai fixé ou encore lorsque les actes pour lesquels l'habilitation a été délivrée ont été accomplis.

L'habilitation familiale est une cinquième mesure de protection juridique. On peut la rapprocher de la tutelle car quand elle est générale elle crée une incapacité générale d'exercice mais elle est aussi distincte de ce régime comme de la curatelle ou la sauvegarde de justice car une fois que la personne habilitée est désignée, le juge des tutelles n'interviendra plus.

D'après le rapport au Président de la République "ce nouveau dispositif tend à permettre aux familles qui sont en mesure de pourvoir, seules, aux intérêts de leur proche vulnérable d'assurer cette protection, sans se soumettre au formalisme des mesures de protection judiciaire. Il s'agit de donner effet aux accords intervenus au sein de la famille pour assurer la préservation des intérêts de l'un de ses membres."

La mesure reposerait donc sur une confiance en la famille, seulement, il n'est pas demandé à la personne habilitée d'établir un compte rendu de sa gestion comme ça peut être le cas dans une tutelle, or s'il n'y a pas de contrôle, on peut arriver à des abus, à une gestion contraire aux intérêts du majeur protégé. En effet, la personne habilitée, qui est par exemple future héritière de la personne protégée, peut gérer un immeuble dans son propre intérêt. Ce conflit d'intérêts ne peut-être mis à jour que si une autre personne de l'entourage proche de l'intéressé le dénonce auprès du juge des tutelles.

L'habilitation familiale sera l'objet d'une nouvelle section 6 "De l'habitation familiale" du chapitre II "Des mesures de protection juridique des majeures" du titre XI du livre Ier du Code civil.

A.L.B

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