Cette
ordonnance fait suite à la loi du 16 février 2015 n°2015-177 relative à la
modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les
domaines de la justice et des affaires intérieures (JO n°0040 du 17 février
2015). La loi a habilité le gouvernement à prendre des dispositions par voie
d'ordonnance au plus tard le 17 octobre 2015.
L'ordonnance
est arrivée à temps, elle est parue au JO le 16 octobre 2015 et elle est entrée
en vigueur le 1er janvier 2016. Elle introduit notamment une nouvelle mesure de
protection : l’habilitation familiale.
Ainsi, grâce à ce nouveau mécanisme, les proches d'un majeur protégé
pourront le représenter. Cette nouvelle mesure est une technique bien moins
lourde que les procédés classiques.
L'habilitation familiale est un nouveau mécanisme. Elle concerne la
protection de majeurs qui sont hors d'état de manifester leur volonté en raison
d'une altération soit de leurs facultés mentales, soit de leurs facultés
corporelles de nature à empêcher l'expression de leur volonté. La mesure permet
à un proche de représenter cette personne pour certains actes seulement ou de
manière générale.
Elle s'ajoute aux mesures de protection juridique préexistantes, soit
la tutelle, la curatelle, la sauvegarde de justice et le mandat de protection
futur. Deux conditions sont nécessaires pour qu'elle soit mise en place d'après
l'article 494-2 du code civil : le juge ne la prononce qu'en cas de nécessité
et il faut que l'application des règles de droit commun de la représentation ou
les stipulations du mandat de protection future conclu par l'intéressé ne
pourvoient pas aux intérêts de la personne à protéger.
La demande d'habilitation familiale se fait auprès du juge des
tutelles par les personnes pouvant être habilitées, c'est- à-dire les
ascendants, les descendants, les frères et sœurs, le partenaire de pacte civil
de solidarité et le concubin. Ces personnes peuvent aussi aller devant le
procureur de la République qui lui-même en fera la demande.
Les époux ne sont pas concernés car l'article 219 du code civil
instaure un système de représentation judiciaire légale. En revanche, l'article
n'exige pas un certificat médical circonstancié et l'époux n'a pas à justifier
devant le juge des actes qu'il a pris seul. Cette représentation étant plus
souple que l'habilitation familiale, la protection de la personne est aussi
plus faible.
La demande d'habilitation familiale doit être accompagnée d'un
certificat établi par un médecin et le juge des tutelles pourra entendre la
personne à protéger. Un consensus familial doit exister afin que le juge
prononce cette mesure, détermine son étendue et procède à la désignation de la
personne habilitée. Si le juge ne peut vérifier ce consensus, il constatera
l'absence d'opposition légitime à la mesure ou au choix de la personne
habilitée.
L'habilitation peut porter sur des actes relatifs à la personne
protégée et dans ce cas, la personne habilitée peut seulement interférer si
l'état de la personne protégée ne lui permet pas d'accomplir ces actes. Il faut
se référer au régime de la curatelle et de la tutelle figurant aux articles
457-1 à 459-2 du code civil. On y trouve par exemple les actes strictement
personnels que la personne habilitée ne peut effectuer tel que la
reconnaissance d'un enfant.
L'habilitation peut aussi porter sur des actes relatifs aux biens de
la personne protégée. Ces actes d'administration ou de disposition peuvent être
accomplis par la personne habilitée avec ou sans l'autorisation du juge des
tutelles.
Il est même possible de déroger à l’article 427 du Code civil puisque
la personne habilitée peut modifier des comptes ou livrets de la personne
protégée voire en ouvrir en son nom sans autorisation préalable sauf décision
contraire du juge. Au contraire, les actes de disposition à titre gratuit
nécessitent obligatoirement l'autorisation du juge des tutelles pour être
accomplis. De même, une action en nullité contre les actes passés par la
personne protégée ou en réduction des obligations résultant de ces actes peut
être engagée par la personne habilitée sans autorisation.
Ces actions en nullité ou en réduction doivent être exercées dans le
délai de droit commun de cinq ans à compter de la date du jugement d'ouverture
de la mesure. Les actes peuvent aussi être confirmés
avec une autorisation du juge des tutelles.
Lorsque la personne habilitée accomplit des actes sans l'autorisation
du juge alors qu'elle est obligatoire ou si elle transgresse son champ
d'habilitation, l'acte est nul de plein droit.
L'ordonnance crée deux types d'habilitation, une générale et une
spéciale.
L'habilitation générale est fixée pour une durée de 10 ans
renouvelable. Par décision spéciale et motivée, le juge peut la fixer pour une
durée de 20 ans lorsque l'altération des facultés n'est pas susceptible
d'amélioration selon les données acquises de la science. Elle porte soit sur
l'ensemble des actes, soit seulement sur les actes relatifs à la personne ou
les actes relatifs aux biens.
L'habilitation spéciale dure jusqu'à ce que soient accomplis les actes
visés dans le champ de l'habilitation prononcée par le juge.
A tout moment, le juge des tutelles peut modifier l'étendue de
l'habilitation ou y mettre fin à la demande de l'un des proches. La mesure
prend également fin par le décès de la personne protégée, par son placement
sous sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle mais aussi lorsque les conditions
de l'article 494-2 ne sont plus réunies ou lorsque l'exécution de la mesure
porte atteinte aux intérêts de la personne protégée et ceci à la demande d'un
proche ou du procureur de la République. Elle cesse également si aucun
renouvellement n'est effectué à l'expiration du délai fixé ou encore lorsque
les actes pour lesquels l'habilitation a été délivrée ont été accomplis.
L'habilitation familiale est une cinquième mesure de protection
juridique. On peut la rapprocher de la tutelle car quand elle est générale elle
crée une incapacité générale d'exercice mais elle est aussi distincte de ce
régime comme de la curatelle ou la sauvegarde de justice car une fois que la personne
habilitée est désignée, le juge des tutelles n'interviendra plus.
D'après le rapport au Président de la République "ce nouveau dispositif tend à permettre aux familles qui sont en mesure de pourvoir, seules, aux intérêts de leur proche vulnérable d'assurer cette protection, sans se soumettre au formalisme des mesures de protection judiciaire. Il s'agit de donner effet aux accords intervenus au sein de la famille pour assurer la préservation des intérêts de l'un de ses membres."
La mesure reposerait donc sur une confiance en la famille, seulement,
il n'est pas demandé à la personne habilitée d'établir un compte rendu de sa
gestion comme ça peut être le cas dans une tutelle, or s'il n'y a pas de
contrôle, on peut arriver à des abus, à une gestion contraire aux intérêts du
majeur protégé. En effet, la personne habilitée, qui est par exemple future
héritière de la personne protégée, peut gérer un immeuble dans son propre
intérêt. Ce conflit d'intérêts ne peut-être mis à jour que si une autre
personne de l'entourage proche de l'intéressé le dénonce auprès du juge des
tutelles.
L'habilitation familiale sera l'objet d'une nouvelle section 6
"De l'habitation familiale" du chapitre II "Des mesures de
protection juridique des majeures" du titre XI du livre Ier du Code civil.
A.L.B
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