1ère chambre civile 15-10577.
L'association « Juristes pour l'enfance »
a été créée en 2002, son objet est de défendre les intérêts de l'enfant. Elle
s'est immiscée dans plusieurs procédures judiciaires concernant l'état civil
d'enfants conçus par procréation médicalement assistée ou gestation pour autrui
en tant qu'intervenante volontaire afin de défendre ses idées. En effet, elle
donne son avis sur ce qu'est l'intérêt de l'enfant et estime que son adoption
par la femme de sa mère n'est pas dans son intérêt, bien que cette dernière
l'élève au quotidien.
Ainsi, la Cour de cassation a dû se prononcer sur
l'intérêt de cette association à intervenir volontairement dans une procédure d'adoption
par la femme de la mère de l'enfant dans l'arrêt du 16 mars 2016.
Mme X et Mme Y se marient le 10 juin 2013 et Mme Y
accouche le 16 juin 2013 de A... Y... . Le 11 octobre 2013, Mme X dépose une
requête aux fins d'adoption plénière de A... Y... . Un jugement rejette sa
demande, ainsi elle interjette appel de ce jugement. Devant la cour d'appel,
l'association Juristes pour l'enfance (JPE ) intervient volontairement à la
procédure.
La cour d'appel rend un arrêt dans lequel elle
déclare l'intervention volontaire de l'association irrecevable.
Un pourvoi est formé.
Selon le moyen, pris en ses 5 branches ;
Premièrement, le demandeur explique que
l'intervention volontaire est principale lorsqu'elle élève une prétention au
profit de celui qui la forme. En effet, l'objet de l'association est de
« conduire et développer une action d'intérêt général à caractère familial
et social centré autour de la défense de l'intérêt des enfants nés, à naître ou
à venir, et pour la protection de l'enfance sous quelque forme que ce
soit » et « d'être à l'initiative de toute action (…) pour la défense
des enfants". Ainsi, l'association invoquait un droit propre puisqu'elle
souhaite que l'institution familiale ne soit pas détournée si l'adoption par
Mme X est prononcée. La cour d'appel a violé les articles 66 et 329 du
code de procédure civile (CPC) et les articles 6 et 13 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) en retenant que
l'association n'avait aucune prétention à son profit car elle ne souhaitait que
s'opposer à l'adoption proposée et à la confirmation du jugement par la cour
d'appel.
Deuxièmement, elle considère que la cour d'appel
a violé les articles 66, 330 du code de procédure civile ensemble les
articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme car elle a exigé que l'association ait un lien direct et inséparable de
l'une des parties alors que l'intervention d'un tiers est admise bien qu'il ne
justifie pas d'un tel lien et même si l'action est accessoire puisque le
ministère public était déjà dans la cause.
Troisièmement, la cour d'appel a retenu l'exigence
d'un lien de connexité entre l'association et la demanderesse ou sa conjointe
ou l'enfant en cause et non pas entre la demande d'adoption plénière et la
demande en intervention alors que l'intervention volontaire est recevable
lorsqu'elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. De
cette manière, la cour d'appel a violé l'article 325 du code de procédure
civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme.
Quatrièmement, l'association déclare que son objet
est de « de conduire et développer une action d'intérêt général à caractère
familial et social centrée autour de la défense de l'intérêt des enfants nés, à
naître ou à venir, et pour la protection de l'enfance sous quelque forme que ce
soit », elle développe en se justifiant d'un intérêt direct car elle agit dans
la défense des intérêts collectifs dont elle a la charge au regard de son objet
social. Ainsi, la cour d'appel a violé les articles 66, 325, 328 et 554 du
code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention
puisqu'elle a estimé que l'association était irrecevable car l'intérêt
collectif défendu « n'est pas légitime au regard de la nature de l'affaire
relative à l'état d'un enfant, instruite et débattue en chambre du conseil,
après avis du ministère public »
Cinquièmement, la cour d'appel a ajouté une
condition à la recevabilité de l'intervention que la loi ne contient pas car
elle a déclaré l'association irrecevable du point de vue de son objet et aux
motifs de l'intérêt collectif qu'elle défend. La cour d'appel a violé les
articles 325, 328, 554 et 1170 du code de procédure civile ensemble les
articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme.
La 1ère chambre civile de la Cour de cassation
rend un arrêt le 16 mars 2016 dans lequel elle rejette le pourvoi.
Elle constate que l'opposition de l'association à
la demande d'adoption et à la confirmation du jugement démontre que
l'association n'élevait aucune prétention à son profit.
Elle considère également que l'association ne
justifiait d'aucun intérêt légitime à intervenir dans une procédure d'adoption.
Ainsi pour la cour de cassation, la cour d'appel
a légitimement fondée sa décision.
La 1ère chambre civile de la cassation a rendu 4
arrêts sur ce même sujet le 16 mars 2016 (n°15- 10.576, n° 15-10.577, n°
15-10.578 et n° 15-10.579).
Ces 4 arrêts sont le produit des pourvois formés
contre les arrêts de la cour d'appel de Versailles du 11 décembre 2014
(n° 14/03684 et n° 14/04244). Cette dernière, tout comme la Cour de
cassation, a considéré que ne justifie pas d'un intérêt légitime à intervenir
dans une procédure d'adoption d'un enfant par le conjoint homosexuel, une
association qui, œuvrant pour la protection de l'enfance, se borne à s'opposer
à une telle demande d'adoption.
Cependant, il existait des hésitations sur la
solution. En effet la cour d'appel de Rennes a rendu deux arrêts le 7 mars 2016
(n° 15/ 855° et n° 15/03 859) à propos de la transcription de l'acte de
naissance étranger sur les actes d'état civil français d'un enfant né d'une
mère porteuse. Dans l'un des arrêts, elle déclare irrecevable l'intervention
volontaire de l'association JPE alors que dans l'autre, elle la déclare
recevable.
Cette contradiction est due au fait que dans un
cas, le ministère public a changé de position devant la cour d'appel, ainsi
seule l'association demandait l'annulation du jugement de première instance qui
ordonnait la transcription de l'acte de naissance. La cour d'appel de Rennes,
en a déduit que cette intervention était à titre principal or celle-ci est
exclue dans une instance mettant en œuvre une action attitrée, strictement
personnelle au demandeur originaire.
Dans l'autre cas, l'association JPE demandait,
tout comme le ministère public, l'infirmation du jugement de première instance.
La cour d'appel de Rennes a constaté que l'intervention était recevable car
elle était accessoire. La cour explique que l'association appuie les
prétentions du procureur de la République et considère que « la condition
de lien suffisant avec article 325 du CPC n'exige qu'un lien avec les
prétentions des parties et non avec les parties elles-mêmes ».
Dans l'arrêt du 16 mars 201Coura cour de
cassation ne fait pas de distinction entre intervention principale et
intervention accessoire. Elle déclare toutes les interventions volontaires de
l'association irrecevables. Il est possible que la cour ait omis de faire cette
distinction afin que la portée de sa solution s'applique aux interventions
principales comme aux interventions accessoires. Cela permettrait de contredire
l'arrêt de la cour d'appel de Rennes qui admet l'intervention volontaire
accessoire de l'association.
La 1ère chambre civile explique également que
l'association n'a pas d'intérêt légitime à agir puisqu'elle n'invoquait que la
défense d'intérêts collectifs et en aucun cas la défense d'un intérêt
personnel.
Avec cet arrêt, elle affirme l'exclusion des
interventions volontaires de tout groupement dans les procédures d'adoption. En
effet, une association n'a pas d'intérêt dans le cadre d'une procédure relative
à l'état civil d'une personne physique avec lequel elle n'a pas de lien. De
plus cette immixtion dans des actions privées et familiales n'est pas
souhaitable puisque l'intérêt général est déjà représenté par le ministère
public.
La portée de l'arrêt peut aussi s'étendre à des
procédures relatives à l'état des personnes autres que celles visant l'adoption
puisque la cour d'appel de Versailles parlait de « la nature de l'affaire
relative à l'état de l'enfant ».
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