lundi 6 juin 2016

L'intervention volontaire d'une association dans une procédure d'adoption

1ère chambre civile 15-10577.

L'association « Juristes pour l'enfance » a été créée en 2002, son objet est de défendre les intérêts de l'enfant. Elle s'est immiscée dans plusieurs procédures judiciaires concernant l'état civil d'enfants conçus par procréation médicalement assistée ou gestation pour autrui en tant qu'intervenante volontaire afin de défendre ses idées. En effet, elle donne son avis sur ce qu'est l'intérêt de l'enfant et estime que son adoption par la femme de sa mère n'est pas dans son intérêt, bien que cette dernière l'élève au quotidien.

Ainsi, la Cour de cassation a dû se prononcer sur l'intérêt de cette association à intervenir volontairement dans une procédure d'adoption par la femme de la mère de l'enfant dans l'arrêt du 16 mars 2016.

Mme X et Mme Y se marient le 10 juin 2013 et Mme Y accouche le 16 juin 2013 de A... Y... . Le 11 octobre 2013, Mme X dépose une requête aux fins d'adoption plénière de A... Y... . Un jugement rejette sa demande, ainsi elle interjette appel de ce jugement. Devant la cour d'appel, l'association Juristes pour l'enfance (JPE ) intervient volontairement à la procédure.

La cour d'appel rend un arrêt dans lequel elle déclare l'intervention volontaire de l'association irrecevable.
Un pourvoi est formé.

Selon le moyen, pris en ses 5 branches ;

Premièrement, le demandeur explique que l'intervention volontaire est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. En effet, l'objet de l'association est de « conduire et développer une action d'intérêt général à caractère familial et social centré autour de la défense de l'intérêt des enfants nés, à naître ou à venir, et pour la protection de l'enfance sous quelque forme que ce soit » et « d'être à l'initiative de toute action (…) pour la défense des enfants". Ainsi, l'association invoquait un droit propre puisqu'elle souhaite que l'institution familiale ne soit pas détournée si l'adoption par Mme X est prononcée. La cour d'appel a violé les articles 66 et 329 du code de procédure civile (CPC) et les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) en retenant que l'association n'avait aucune prétention à son profit car elle ne souhaitait que s'opposer à l'adoption proposée et à la confirmation du jugement par la cour d'appel.

Deuxièmement, elle considère que la cour d'appel a violé les articles 66, 330 du code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme car elle a exigé que l'association ait un lien direct et inséparable de l'une des parties alors que l'intervention d'un tiers est admise bien qu'il ne justifie pas d'un tel lien et même si l'action est accessoire puisque le ministère public était déjà dans la cause.

Troisièmement, la cour d'appel a retenu l'exigence d'un lien de connexité entre l'association et la demanderesse ou sa conjointe ou l'enfant en cause et non pas entre la demande d'adoption plénière et la demande en intervention alors que l'intervention volontaire est recevable lorsqu'elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. De cette manière, la cour d'appel a violé l'article 325 du code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Quatrièmement, l'association déclare que son objet est de « de conduire et développer une action d'intérêt général à caractère familial et social centrée autour de la défense de l'intérêt des enfants nés, à naître ou à venir, et pour la protection de l'enfance sous quelque forme que ce soit », elle développe en se justifiant d'un intérêt direct car elle agit dans la défense des intérêts collectifs dont elle a la charge au regard de son objet social. Ainsi, la cour d'appel a violé les articles 66, 325, 328 et 554 du code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention puisqu'elle a estimé que l'association était irrecevable car l'intérêt collectif défendu « n'est pas légitime au regard de la nature de l'affaire relative à l'état d'un enfant, instruite et débattue en chambre du conseil, après avis du ministère public »

Cinquièmement, la cour d'appel a ajouté une condition à la recevabilité de l'intervention que la loi ne contient pas car elle a déclaré l'association irrecevable du point de vue de son objet et aux motifs de l'intérêt collectif qu'elle défend. La cour d'appel a violé les articles 325, 328, 554 et 1170 du code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation rend un arrêt le 16 mars 2016 dans lequel elle rejette le pourvoi.
Elle constate que l'opposition de l'association à la demande d'adoption et à la confirmation du jugement démontre que l'association n'élevait aucune prétention à son profit.
Elle considère également que l'association ne justifiait d'aucun intérêt légitime à intervenir dans une procédure d'adoption.
Ainsi pour la cour de cassation, la cour d'appel a légitimement fondée sa décision.


La 1ère chambre civile de la cassation a rendu 4 arrêts sur ce même sujet le 16 mars 2016 (n°15- 10.576, n° 15-10.577, n° 15-10.578 et n° 15-10.579).

Ces 4 arrêts sont le produit des pourvois formés contre les arrêts de la cour d'appel de Versailles du 11 décembre 2014 (n° 14/03684 et n° 14/04244). Cette dernière, tout comme la Cour de cassation, a considéré que ne justifie pas d'un intérêt légitime à intervenir dans une procédure d'adoption d'un enfant par le conjoint homosexuel, une association qui, œuvrant pour la protection de l'enfance, se borne à s'opposer à une telle demande d'adoption.

Cependant, il existait des hésitations sur la solution. En effet la cour d'appel de Rennes a rendu deux arrêts le 7 mars 2016 (n° 15/ 855° et n° 15/03 859) à propos de la transcription de l'acte de naissance étranger sur les actes d'état civil français d'un enfant né d'une mère porteuse. Dans l'un des arrêts, elle déclare irrecevable l'intervention volontaire de l'association JPE alors que dans l'autre, elle la déclare recevable.

Cette contradiction est due au fait que dans un cas, le ministère public a changé de position devant la cour d'appel, ainsi seule l'association demandait l'annulation du jugement de première instance qui ordonnait la transcription de l'acte de naissance. La cour d'appel de Rennes, en a déduit que cette intervention était à titre principal or celle-ci est exclue dans une instance mettant en œuvre une action attitrée, strictement personnelle au demandeur originaire.

Dans l'autre cas, l'association JPE demandait, tout comme le ministère public, l'infirmation du jugement de première instance. La cour d'appel de Rennes a constaté que l'intervention était recevable car elle était accessoire. La cour explique que l'association appuie les prétentions du procureur de la République et considère que « la condition de lien suffisant avec article 325 du CPC n'exige qu'un lien avec les prétentions des parties et non avec les parties elles-mêmes ».

Dans l'arrêt du 16 mars 201Coura cour de cassation ne fait pas de distinction entre intervention principale et intervention accessoire. Elle déclare toutes les interventions volontaires de l'association irrecevables. Il est possible que la cour ait omis de faire cette distinction afin que la portée de sa solution s'applique aux interventions principales comme aux interventions accessoires. Cela permettrait de contredire l'arrêt de la cour d'appel de Rennes qui admet l'intervention volontaire accessoire de l'association.

La 1ère chambre civile explique également que l'association n'a pas d'intérêt légitime à agir puisqu'elle n'invoquait que la défense d'intérêts collectifs et en aucun cas la défense d'un intérêt personnel.
Avec cet arrêt, elle affirme l'exclusion des interventions volontaires de tout groupement dans les procédures d'adoption. En effet, une association n'a pas d'intérêt dans le cadre d'une procédure relative à l'état civil d'une personne physique avec lequel elle n'a pas de lien. De plus cette immixtion dans des actions privées et familiales n'est pas souhaitable puisque l'intérêt général est déjà représenté par le ministère public.

La portée de l'arrêt peut aussi s'étendre à des procédures relatives à l'état des personnes autres que celles visant l'adoption puisque la cour d'appel de Versailles parlait de « la nature de l'affaire relative à l'état de l'enfant ».

Liens :



A.L.B

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