mercredi 16 mars 2016

Actualité Droit de la famille (Loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même de sexe)

CE, 18 décembre 2015, Union départementale des associations familiales des hauts de Seine et autres, requête n°370459

CE 18 décembre 2015, M. C... et autres, requête n°369834



A la suite de l'adoption de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, le 24 mai 2013, un décret et un arrêté pris pour son application ont été adoptés. La Garde de sceaux a également interprété et rappelé les diverses modifications législatives et réglementaires par une circulaire du 29 mai 2013. Enfin, par une circulaire du 13 juin 2013, le ministre de l'Intérieur a rappelé aux préfets les conditions dans lesquelles les autorités compétentes peuvent célébrer un mariage et les conséquences auxquelles elles s'exposent en cas de refus illégal de procéder à une telle célébration.

Dans un arrêt du 18 décembre 2015, le Conseil d’État, en rejetant une série de recours contre ces textes d'application de la loi du 17 mai 2013, tranche de nombreuses questions. D'où la portée importante de cet arrêt, où l'on observe que la Haute juridiction administrative confirme la conventionnalité, la constitutionnalité et la légalité des textes d'application du mariage pour tous.

Dans un autre arrêt du même jour, le Conseil d’État va rappeler qu'un préfet n'est pas un officier d’état civil et ne peut célébrer lui-même un mariage.


I) CE, 18 décembre 2015, Union départementale des associations familiales des hauts de Seine et autres, requête n°370459

 Plusieurs QPC ont été soulevées devant cette juridiction de renvoi et le Conseil d’État va estimer qu'il n'y a pas lieu de renvoyer ces QPC devant le Conseil constitutionnel.

A) Les différentes QPC soulevées

Une première QPC soulevée portait sur l'article 165 du Code civil, qui selon les requérants méconnaîtrait la liberté de conscience, qui est un principe constitutionnellement garanti, en énonçant le caractère républicain du mariage. Toutefois, le Conseil constitutionnel s'était déjà prononcé dans le cadre d'une QPC du 18 octobre 2013 sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 165 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2013, et avait à cette occasion, écarté le grief tiré de ce que les officiers d'état civil devraient pouvoir bénéficier d'une clause de conscience. Par conséquent, estimant qu'il n'y a pas eu de changement de circonstances de droit ou de fait depuis cette décision, le Conseil d’État refuse que l'article 165 soit à nouveau examiné, et rend une décision de non-renvoi. En adoptant cette décision, la Haute juridiction administrative confirme sa position sur la conformité de l'article 165 du Code civil à la Constitution.

Une seconde QPC soulevée portait sur le fait que la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, était contraire au régime concordataire existant dans les départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la Moselle et ne pourrait s'appliquer dans ces départements. Par une décision du 21 février 2013, ce régime concordataire a été déclaré comme ne méconnaissant pas la Constitution et plus particulièrement le principe de laïcité, pilier de la République. Les requérants arguaient que cette contrariété entre la loi du 17 mai 2013 et le régime concordataire créerait une rupture d'égalité entre les personnes domiciliées dans les 3 départements en question et celles qui sont domiciliées sur le reste du territoire. Cependant le Conseil d’État rappelle que les dispositions de la loi du 17 mai 2013 s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et sont sans incidence sur le maintien dans certains départements du régime concordataire. Par conséquent, la question posée n'étant pas nouvelle ou ne présentant pas un caractère sérieux, le Conseil d’État rend une décision de non-renvoi et confirme que la loi du 17 mai 2013 s'applique sur l'ensemble du territoire français sans distinction.

Dans le cadre de ces QPC, le Conseil d’État exerce parfaitement son rôle de filtre et renforce par la même occasion la conformité de la loi du 17 mai 2013 à la Constitution en ne renvoyant pas les QPC devant le Conseil constitutionnel. Ceci montre que le mariage pour tous est devenu une valeur solide et ancrée de notre société qui respecte la Constitution.

B) Le respect des engagements internationaux de la France

Sur la légalité interne, le Conseil d’État va trancher différentes questions, notamment au regard des traités internationaux signés par la France afin de déterminer si la loi du 17 mai 2013 n'est pas en contradiction avec ses engagements internationaux.

Le Conseil d’État juge que la loi du 17 mai 2013 n'est pas en contradiction avec de nombreuses conventions internationales, notamment celles relatives aux obligations qui s'imposent aux États partis à ces dernières pour favoriser l'échange d'informations entre officiers de l'État civil. Ces conventions étant dépourvues d'effet direct, et ayant uniquement pour objet de régir les relations entre États, ne peuvent pas être invoquées par les particuliers. De plus, ces conventions n'ont pas pour effet de limiter la liberté des États contractants de déterminer les personnes aptes à s'unir par mariage. Le Conseil d’État va considérer la même chose concernant la Convention sur le consentement au mariage de 1962 ainsi que la Convention sur les régimes matrimoniaux de 1978 qui n'ont pas pour objet de déterminer les personnes aptes à s'unir par mariage.

Par conséquent, l’État dispose d'une marge d'appréciation, et de manœuvre nationale concernant les personnes aptes à se marier.

Par ailleurs, le Conseil d’État a estimé que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaissant le droit de se marier à l'homme et à la femme, ainsi que la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale n'imposent pas que le mariage et l'adoption soient possibles uniquement en cas d'altérité sexuelle, c'est à dire réservé exclusivement aux couples de sexe différent. Le sujet de l'adoption a été une question sensible en France, avant la loi du 17 mai 2013 les personnes de même sexe ne pouvaient pas adopter, car il fallait être marié, mais depuis que le mariage a été ouvert pour tous, l'adoption ne peut plus être refusée à ces derniers. Cette conséquence directe du mariage pour tous a été acceptée difficilement par certains citoyens français.

Le Conseil d’État en estimant que les engagements internationaux de la France n'imposent pas l'altérité sexuelle, renforce la légitimité du mariage pour tous, et ses conséquences à savoir l'adoption pour les couples de même sexe.

Le Conseil d’État confirme la constitutionnalité ainsi que la conventionnalité des textes d'application de la loi du 17 mai 2013 au regard des engagements internationaux de la France. Son raisonnement montre bien que les États disposent d'une marge d'appréciation dans les matières matrimoniales, ce qui permet à la France de concilier le mariage pour tous et ses engagements internationaux. Le Conseil d'État va dans le même sens que la Cour de cassation qui dans un arrêt du 28 janvier 2015 estime que le mariage pour tous doit être une valeur promue par notre société. En effet, dans son arrêt la Cour de cassation rappelle que la liberté matrimoniale fait partie de l'ordre public international et qu'à partir du moment où on a ouvert le mariage aux personnes de même sexe, ce type de mariage fait partie de la liberté matrimoniale. Par conséquent, le mariage pour tous fait partie de l'ordre public international. Toutefois ce n'est pas réellement ce qu'avait prévu le législateur et cette décision avait provoqué de vives réactions, c'est pour cette raison que la Cour de cassation avait bordé sa solution avec son communiqué, en spécifiant un critère de rattachement et en précisant que c'est la liberté matrimoniale qui fait partie de l'ordre public international.

II) CE 18 décembre 2015, M. C... et autres, requête n°369834

Dans cet arrêt, le Conseil d’État juge que la circulaire du ministre de l'Intérieur du 13 juin 2013 relative aux conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d'un officier d'état civil, ne méconnaît pas la liberté de conscience puisque qu'aucun texte ni aucun principe ne fait obligations aux officiers d'état civil d'approuver les choix de vie de personnes dont ils célèbrent le mariage. Il estime qu’eu égard à l’intérêt général qui s'attache au bon fonctionnement et à la neutralité du service public de l'état civil, l'interdiction faite aux officiers d'état civil de refuser de célébrer les mariages, en dehors des cas prévus par la loi, ne méconnaît pas la liberté de conscience garantie par la Convention européenne des droits de l'Homme. Le Conseil d'État utilise donc la neutralité, principe essentiel des services publics pour justifier cette interdiction. Il en profite pour rappeler qu'un préfet n'est pas un officier d’état civil, et ne peut pas célébrer un mariage à place des maires, puisque le pouvoir de substitution qui lui est conféré ne s'exerce que dans le domaine administratif sous l'autorité ou le contrôle du préfet et ne s'étend pas.

 

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