mercredi 3 février 2016


Mesure de rétorsion, licenciement et droit de grève

Arrêt numéro 14-20527, de la chambre sociale de la Cour de Cassation, rendu le 25 novembre 2015. Il s’agit d’un arrêt de cassation.

I-                   Les faits

Dans cette affaire, il s’agit d’un chauffeur poids lourd, engagé en tant que tel dans une société en 2003. Les 23 et 24 juillet 2008 il use de son droit de grève. Environ deux mois après, il est retiré de la tournée supplémentaire du samedi qu’il effectuait, ce qui lui occasionne une perte de rémunération importante. S’en suit une altercation entre le salarié et les salariés du planning, considérant qu’il s’agit d’une mesure de rétorsion contre lui en raison de sa participation au mouvement de grève. Suite à cette altercation, il a été licencié pour faute grave.

La Cour d’Appel de Paris ordonne le 18 septembre 2012 la réintégration du salarié dans son emploi et renvoie les parties à calculer le montant du préjudice financier subi par le salarié depuis son licenciement jusqu'à sa réintégration le 30 octobre 2012.

I-                   Question de droit

Un licenciement faisant suite à une mesure de rétorsion prise pour usage du droit de grève est il légitime ?

II-                 La solution

Les juges relèvent que la suppression de la tournée du samedi est une sanction résultant de la simple participation du salarié à un mouvement de grève. Cette sanction est une mesure discriminatoire.

En effet, le droit de grève étant un droit fondamental, un licenciement résultant de l’exercice de ce droit est par conséquent nul.

La Cour de Cassation dans cette affaire applique les conséquences de cette nullité : le salarié doit être réintégré dans l’entreprise et il a droit à une indemnité correspondant au salaire qu’il aurait perçu entre son éviction et sa réintégration effective.

Cette solution appelle 2 observations 

D’une part une interdiction est faite à l’employeur de licencier un salarié ayant participé à un mouvement de grève.

Les salariés ont un droit personnel à la grève, qui est prévu dans la Constitution ainsi que dans le code du travail. Le droit de grève est une cessation collective et concertée du travail par les salariés visant à appuyer des revendications professionnelles.

La Cour rappelle ici qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de l’exercice normal du droit de grève. Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.

Tout licenciement d’un salarié gréviste sauf faute lourde est nul de plein droit.

La faute lourde est une faute commise dans l’intention de nuire à l’employeur ou de désorganiser l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve d’une faute lourde.

D’autre part, les conséquences d’un licenciement nul sont la réintégration dans l’entreprise du salarié et le droit à une indemnisation

La nullité du licenciement est prononcée par le juge lorsque le licenciement est illégal (les cas de nullité sont prévus par la loi) ou illicite si une liberté fondamentale est violée.

Dans cette affaire c’est le droit fondamental de faire grève qui est violé, par conséquent, le licenciement est nul.

Cela implique que le contrat de travail s’est poursuivi , et par conséquent cela donne lieu à une indemnisation réparant l’intégralité du préjudice subi, le salarié a droit a une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait du percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration et si le salarié le souhaite, sa réintégration dans l’entreprise. Cette réintégration ne peut être prononcée qu’à la demande du salarié (Cass.soc. 4 fev 2014 n° 11-27134) et cette réintégration  est ordonnée par les juges, bien qu’elle ne soit pas explicitement prévue par le code du travail (Cass.soc. 30 avril 2003 n° 00-44811).

Si le salarié ne demande pas sa réintégration, ou si elle est impossible, il a le droit aux indemnités de rupture et à une indemnité égale au moins à 6 mois de salaire.
 
C.T

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire