Mesure de rétorsion, licenciement et droit de
grève
Arrêt numéro
14-20527, de la chambre sociale de la Cour de Cassation, rendu le 25 novembre
2015. Il s’agit d’un arrêt de cassation.
I-
Les faits
Dans cette
affaire, il s’agit d’un chauffeur poids lourd, engagé en tant que tel dans une
société en 2003. Les 23 et 24 juillet 2008 il use de son droit de grève.
Environ deux mois après, il est retiré de la tournée supplémentaire du samedi
qu’il effectuait, ce qui lui occasionne une perte de rémunération importante.
S’en suit une altercation entre le salarié et les salariés du planning,
considérant qu’il s’agit d’une mesure de rétorsion contre lui en raison de sa
participation au mouvement de grève. Suite à cette altercation, il a été
licencié pour faute grave.
La Cour
d’Appel de Paris ordonne le 18 septembre 2012 la réintégration du salarié dans
son emploi et renvoie les parties à calculer le montant du préjudice financier
subi par le salarié depuis son licenciement jusqu'à sa réintégration le 30
octobre 2012.
I-
Question de
droit
Un
licenciement faisant suite à une mesure de rétorsion prise pour usage du droit
de grève est il légitime ?
II-
La solution
Les juges relèvent
que la suppression de la tournée du samedi est une sanction résultant de la
simple participation du salarié à un mouvement de grève. Cette sanction est une
mesure discriminatoire.
En effet, le
droit de grève étant un droit fondamental, un licenciement résultant de
l’exercice de ce droit est par conséquent nul.
La Cour de
Cassation dans cette affaire applique les conséquences de cette nullité :
le salarié doit être réintégré dans l’entreprise et il a droit à une indemnité
correspondant au salaire qu’il aurait perçu entre son éviction et sa
réintégration effective.
Cette
solution appelle 2 observations
D’une part
une interdiction est faite à l’employeur de licencier un salarié ayant
participé à un mouvement de grève.
Les salariés
ont un droit personnel à la grève, qui est prévu dans la Constitution ainsi que
dans le code du travail. Le droit de grève est une cessation collective et
concertée du travail par les salariés visant à appuyer des revendications
professionnelles.
La Cour
rappelle ici qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de
l’exercice normal du droit de grève. Toute disposition ou tout acte contraire
est nul de plein droit.
Tout
licenciement d’un salarié gréviste sauf faute lourde est nul de plein droit.
La faute
lourde est une faute commise dans l’intention de nuire à l’employeur ou de
désorganiser l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve
d’une faute lourde.
D’autre
part, les conséquences d’un licenciement nul sont la réintégration dans
l’entreprise du salarié et le droit à une indemnisation
La nullité
du licenciement est prononcée par le juge lorsque le licenciement est illégal (les
cas de nullité sont prévus par la loi) ou illicite si une liberté fondamentale
est violée.
Dans cette
affaire c’est le droit fondamental de faire grève qui est violé, par
conséquent, le licenciement est nul.
Cela
implique que le contrat de travail s’est poursuivi , et par conséquent cela
donne lieu à une indemnisation réparant l’intégralité du préjudice subi, le
salarié a droit a une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il
aurait du percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration et
si le salarié le souhaite, sa réintégration dans l’entreprise. Cette
réintégration ne peut être prononcée qu’à la demande du salarié (Cass.soc. 4
fev 2014 n° 11-27134) et cette réintégration
est ordonnée par les juges, bien qu’elle ne soit pas explicitement
prévue par le code du travail (Cass.soc. 30 avril 2003 n° 00-44811).
Si le
salarié ne demande pas sa réintégration, ou si elle est impossible, il a le
droit aux indemnités de rupture et à une indemnité égale au moins à 6 mois de
salaire.
C.T
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire