samedi 27 février 2016

Ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille : L'administration légale des biens du mineur


Cette ordonnance fait suite à la loi du 16 février 2015 n°2015-177 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JO n°0040 du 17 février 2015). La loi a habilité le gouvernement à prendre des dispositions par voie d'ordonnance au plus tard le 17 octobre 2015.
L'ordonnance est arrivée à temps, elle est parue au JO le 16 octobre 2015 et elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Elle simplifie notamment les règles de l'administration légale des biens des mineurs.

Jusqu'à lors, les familles monoparentales étaient toujours placées sous le contrôle d'un juge pour la gestion des biens des enfants.
En effet, avant la réforme, l'article 389-1 du code civil disposait que lorsque les deux parents exerçaient en commun l'autorité parentale, l'administration légale était pure et simple. Cela signifiait qu'un seul des deux parents pouvait accomplir les actes les moins graves concernant les biens de l'enfant comme des actes d'administration ou conservatoires. Les actes les plus graves devaient être accomplis par les deux parents ensemble. Le juge des tutelles, qui est le juge aux affaires familiales, n'intervenait qu'en cas de désaccord des parents ou lorsque son accord était indispensable, c'était le cas des actes de disposition les plus graves. L'ancien article 389-5 citait ces actes : les parents ne pouvaient ni vendre de gré à gré, ni apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur, ni contracter d'emprunt en son nom, ni renoncer pour lui à un droit sans l'autorisation du juge, même d'un commun accord.

En cas d'exercice de l'autorité parentale par un seul parent, l’administration légale était dite sous contrôle judiciaire. Ce parent pouvait effectuer seul les actes d'administration ou conservatoires mais pour tout le reste il devait obtenir l'autorisation du juge des tutelles.

L'ordonnance a pour but d'assurer une égalité de traitement, quel que soit le mode d'organisation de la famille, de cette façon, les familles avec deux parents et celles avec un seul parent ne sont plus différenciées. Ainsi, les régimes d'administration légale sous contrôle judiciaire et d'administration légale pure et simple sont supprimés, un régime unique d'administration légale des biens d'enfants mineurs est créé.

En effet, par ces suppressions, l'ordonnance crée une présomption de bonne gestion des biens du mineur par ses représentants légaux. De cette manière, le parent seul possédera le même pouvoir d'administration des biens de son enfant qu'une famille avec deux parents. Cette présomption retire l'intervention systématique du juge des tutelles dans l'administration des biens de l'enfant mineur pour les actes les plus graves en présence d'un seul parent. Ainsi, l'autorisation du juge n'est plus nécessaire pour l'ouverture de tout nouveau compte ou livret au nom ou pour le compte du mineur, pour faire une demande de délivrance d'une carte bancaire de crédit ou encore pour clôturer un compte bancaire.

Le juge interviendra en cas de désaccord entre les administrateurs légaux ou entre le ou les administrateurs légaux et le mineur et l'autorisation du juge sera obligatoire pour les actes entraînant une atteinte grave aux intérêts du mineur.

L'ordonnance consacre une nouvelle distinction entre les actes soumis à l'autorisation du juge, soit ceux qui pourraient affecter de manière grave, substantielle et définitive le patrimoine du mineur, et les actes dont la réalisation est impossible même avec l'autorisation du juge.

Le nouvel article 387-1 du Code civil précise les actes que peut effectuer l'administrateur légal avec l'autorisation du juge. C'est le cas pour la vente de gré à gré d'un immeuble ou d'un fonds de commerce appartenant au mineur ; l'apport en société d'un immeuble ou d'un fonds de commerce appartenant au mineur ; la souscription d'un emprunt au nom du mineur ; la renonciation pour le mineur à un droit, transiger ou compromettre en son nom ; l'acceptation pure et simple d'une succession revenant au mineur ; l'achat des biens du mineur ou leur prise à bail ; la constitution gratuite d'une sûreté au nom du mineur pour garantir la dette d'un tiers ; procéder à la réalisation d'un acte portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers au sens de l'article L211-1 du code monétaire et financier si celui-ci engage le patrimoine du mineur pour le présent ou l'avenir par une modification importante de son contenu, par une dépréciation significative de sa valeur en capital ou par une altération durable des prérogatives du mineur.

L'article 387-2 du Code civil donne la liste des actes interdits. Ce sont l'aliénation gratuite des biens ou droits du mineur ; l'acquisition par un tiers d'un droit ou d'une créance contre le mineur ; l'exercice d'un commerce ou d'une profession libérale au nom du mineur ; le transfert des biens ou des droits du mineur dans un patrimoine fiduciaire.

La liste des actes de l'article 387-1 du Code civil étant exhaustive, le contrôle du juge se limite à celle-ci. Il peut agrandir son contrôle mais seulement lorsqu'il est saisi par un parent, le ministère public ou un tiers. Ainsi, s'il n'est pas saisi, il ne peut pas vérifier la bonne gestion de tous les biens du mineur par son ou ses administrateurs.

Pour le conseil des ministres, le but de l'ordonnance est « d'éviter un contrôle judiciaire excessif par le cantonnement de l'intervention du juge aux seules situations à risques, la confiance aux familles redevenant la règle ».
L'objectif réel est celui de réduire les recours devant le juge pour désengorger les tribunaux. L'intérêt de l'enfant est ainsi mis à l'écart puisque celui-ci va pâtir d'un contrôle amoindri et a posteriori. Le juge risque d’intervenir trop tardivement en cas de mauvaise gestion du ou des parents.

Une restructuration des règles de l'administration légale a eu lieu dans le code civil.
Dans le titre IX, le chapitre II "De l'autorité parentale relativement aux biens de l'enfant" est composé de trois nouvelles sections, qui sont respectivement "De l'administration légale", "De la jouissance légale" et "De l'intervention du juge des tutelles".
Le titre X du livre 1er a été refondu, son nouvel intitulé est "de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation", il contient trois chapitres. Auparavant, le titre ne mentionnait pas "de la tutelle".
Dans le premier chapitre consacré à la minorité, la section 1 "de l'administration légale" a été supprimée puisque celle-ci érigeait l'administration légale pure et simple et l'administration légale sous contrôle judiciaire en principe. La section 2 "De la tutelle" a aussi disparu car ce sujet fait l'objet du nouveau chapitre II "De la tutelle". 

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