Une mère
voilée peut elle participer à une sortie scolaire ?
Jugement n°1305386 du
Tribunal Administratif de Nice du 9 juin 2015
A l’origine de cette
affaire, une mère d’élève, s’était portée volontaire pour accompagner une
sortie scolaire de son enfant, élève en cours élémentaire deuxième année à
l’école élémentaire Jules Ferry de Nice, organisée le 6 janvier 2014. Elle avait
toutefois demandé à l’administration de l’école élémentaire la possibilité de
conserver son voile islamique. Il lui a été répondu : « nous n’avons malheureusement plus le droit
d’être accompagnés par les mamans voilées. Vous ne pourrez nous accompagner que
si vous l’enlevez ».
Mme D. a alors demandé
au tribunal administratif l’annulation de cette décision de refus.
Elle soutenait que
cette décision n’était pas motivée, qu’elle méconnaissait le principe d’égalité
et qu’aucun texte n’interdisait aux parents accompagnant une sortie scolaire
d’exprimer de façon passive leurs croyances religieuses.
La question qui se
pose ici est de savoir si l’interdiction à une mère voilée d’accompagner une
sortie scolaire est légale ?
Saisi de cette
affaire, le tribunal administratif de Nice censure la décision de refus en
considérant que celle-ci ne s’appuyait sur aucune disposition légale ou réglementaire
précise, ne se prévalait pas non plus de considérations liées à l’ordre public
ou au bon fonctionnement du service . Le tribunal administratif de
Nice précise que « les parents d’élèves autorisés à accompagner
une sortie scolaire à laquelle participe leur enfant doivent être regardés,
comme les élèves, comme des usagers du service public de l’éducation. Par
suite, les restrictions de la liberté de manifester leurs opinions religieuses
ne peuvent résulter que de textes particuliers ou de considérations liées à
l’ordre public ou au bon fonctionnement du service ». Le tribunal en a
déduit que la décision attaquée était entachée d’une erreur de droit qui la
rend illégale.
Portée de la
décision
La décision du
tribunal administratif de Nice a le mérite de rappeler que chaque interdiction
faite à une mère d’élève doit être prise au cas par cas, au regard du bon
fonctionnement du service public (qui nécessite le concours des parents) et de
l’ordre public (le port du voile pouvant provoquer des troubles).
La première décision
rendue à ce sujet est celle du tribunal administratif de Montreuil en 2011 (22
nov. 2011, n° 1012015) qui avait, au contraire, décidé que les parents d’élèves
participant volontairement aux activités du service public d’éducation devaient
respecter, dans leur tenue comme dans leurs propos, le principe de laïcité. Le
tribunal avait ainsi considéré que le règlement intérieur d’une école
élémentaire pouvait imposer aux parents accompagnant les sorties scolaires de
respecter les règles de laïcité. En effet, selon le juge, il résultait des
textes constitutionnels et législatifs que le principe de liberté de conscience
ainsi que celui de la laïcité de l’Etat et de neutralité des services publics
s’appliquaient à l’ensemble de ceux-ci. Ainsi, les parents d’élèves volontaires
pour accompagner les sorties scolaires participaient, dans ce cadre, au service
public de l’éducation. Si ces parents bénéficiaient de la liberté de conscience
qui interdit toute discrimination fondée sur leur religion ou sur leurs
opinions, le principe de neutralité de l’école laïque faisait obstacle à ce
qu’ils manifestent, dans le cadre de l’accompagnement d‘une sortie scolaire,
par leur tenue ou par leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques
ou philosophiques.
Cependant entre ces
deux décisions, a notamment été rendu un avis du Conseil d’Etat sur lequel
s’appuie la décision du tribunal administratif
de Nice.
Dans cet avis du 23
décembre 2013 (non publié), le Conseil d’Etat précise que les parents
accompagnateurs de sorties scolaires ne sont ni des agents ni des
collaborateurs du service public mais des usagers du service public qui ne
doivent pas se soumettre au principe de neutralité religieuse. Par conséquent,
les mères voilées accompagnant des sorties scolaires ne sont pas soumises, en
principe, à la neutralité religieuse.
Ainsi dans son jugement, le tribunal administratif de Nice a
suivi l’avis du Conseil d’Etat en considérant à son tour les parents
accompagnateurs comme des usagers du service public.
MKD
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