samedi 27 février 2016


Une mère voilée peut elle participer à une sortie scolaire ?
Jugement n°1305386 du Tribunal Administratif de Nice du 9 juin 2015

A l’origine de cette affaire, une mère d’élève, s’était portée volontaire pour accompagner une sortie scolaire de son enfant, élève en cours élémentaire deuxième année à l’école élémentaire Jules Ferry de Nice, organisée le 6 janvier 2014. Elle avait toutefois demandé à l’administration de l’école élémentaire la possibilité de conserver son voile islamique. Il lui a été répondu : « nous n’avons malheureusement plus le droit d’être accompagnés par les mamans voilées. Vous ne pourrez nous accompagner que si vous l’enlevez ».

Mme D. a alors demandé au tribunal administratif l’annulation de cette décision de refus.

Elle soutenait que cette décision n’était pas motivée, qu’elle méconnaissait le principe d’égalité et qu’aucun texte n’interdisait aux parents accompagnant une sortie scolaire d’exprimer de façon passive leurs croyances religieuses.

La question qui se pose ici est de savoir si l’interdiction à une mère voilée d’accompagner une sortie scolaire est légale ?

Saisi de cette affaire, le tribunal administratif de Nice censure la décision de refus en considérant que celle-ci ne s’appuyait sur aucune disposition légale ou réglementaire précise, ne se prévalait pas non plus de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service . Le tribunal administratif de Nice  précise que « les parents d’élèves autorisés à accompagner une sortie scolaire à laquelle participe leur enfant doivent être regardés, comme les élèves, comme des usagers du service public de l’éducation. Par suite, les restrictions de la liberté de manifester leurs opinions religieuses ne peuvent résulter que de textes particuliers ou de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service ». Le tribunal en a déduit que la décision attaquée était entachée d’une erreur de droit qui la rend illégale.

Portée de la décision

La décision du tribunal administratif de Nice a le mérite de rappeler que chaque interdiction faite à une mère d’élève doit être prise au cas par cas, au regard du bon fonctionnement du service public (qui nécessite le concours des parents) et de l’ordre public (le port du voile pouvant provoquer des troubles).
La première décision rendue à ce sujet est celle du tribunal administratif de Montreuil en 2011 (22 nov. 2011, n° 1012015) qui avait, au contraire, décidé que les parents d’élèves participant volontairement aux activités du service public d’éducation devaient respecter, dans leur tenue comme dans leurs propos, le principe de laïcité. Le tribunal avait ainsi considéré que le règlement intérieur d’une école élémentaire pouvait imposer aux parents accompagnant les sorties scolaires de respecter les règles de laïcité. En effet, selon le juge, il résultait des textes constitutionnels et législatifs que le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l’Etat et de neutralité des services publics s’appliquaient à l’ensemble de ceux-ci. Ainsi, les parents d’élèves volontaires pour accompagner les sorties scolaires participaient, dans ce cadre, au service public de l’éducation. Si ces parents bénéficiaient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur leur religion ou sur leurs opinions, le principe de neutralité de l’école laïque faisait obstacle à ce qu’ils manifestent, dans le cadre de l’accompagnement d‘une sortie scolaire, par leur tenue ou par leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques.
 
Cependant entre ces deux décisions, a notamment été rendu un avis du Conseil d’Etat sur lequel s’appuie la décision du tribunal administratif de Nice.
Dans cet avis du 23 décembre 2013 (non publié), le Conseil d’Etat précise que les parents accompagnateurs de sorties scolaires ne sont ni des agents ni des collaborateurs du service public mais des usagers du service public qui ne doivent pas se soumettre au principe de neutralité religieuse. Par conséquent, les mères voilées accompagnant des sorties scolaires ne sont pas soumises, en principe, à la neutralité religieuse.
Ainsi dans son jugement, le tribunal administratif de Nice a suivi l’avis du Conseil d’Etat en considérant à son tour les parents accompagnateurs comme des usagers du service public.

MKD
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire