dimanche 24 janvier 2016

Le Règlement UE n°650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (JOUE L 201 du 27.07.2012, p. 107-134)



            Ce texte est relatif aux successions internationales, c’est-à-dire quand il existe un élément d’extranéité dans une succession. Elles vont sûrement se développer avec la mobilité de plus en plus accrue des personnes. Ce règlement unifie les principes du droit international privé régissant les successions internationales dans le cadre de l’UE et introduit le certificat successoral européen. C’est une innovation. En effet, chaque Etat avait ses propres règles en matière de successions jusqu’alors. Le but de ce règlement est de supprimer « les entraves à la libre circulation des personnes confrontées aujourd’hui à des difficultés pour faire valoir leurs droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences transfrontières » (considérant 7 du préambule du règlement). Il est applicable dans toute l’UE sauf au Royaume-Uni, en Irlande et au Danemark.
Ce texte est entré en vigueur en France le 17 août 2015. Il bouleverse les règles du droit international privé français en matière de successions.

I-Champ d’application
Le règlement s’applique aux successions à cause de mort (art1§1 du règlement). Le règlement définit la succession comme étant « toute forme de transfert de biens, de droits et d’obligations à cause de mort, qu’il s’agisse d’un acte volontaire de transfert en vertu d’une disposition à cause de mort  ou d’un transfert dans le cadre d’une succession ab intestat » (art3§1, a). Le règlement s’applique donc aux successions ab intestat et aux successions volontaires (testament, institution contractuelle).

Par contre, il ne s’applique pas en matières fiscale, douanière, administrative (art 1§1), à l’état des personnes physiques et aux régimes matrimoniaux (art1§2). Ces domaines font l’objet d’autres textes.

II-Les règles de compétence
Le principe est posé à l’article 4 : « Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ». On applique donc la loi de la résidence habituelle. On a ici le principe d’unité successorale : une seule loi applicable à la succession. C’est le changement majeur créé par le règlement.
Il faut préciser que le mot « juridiction » dans le cadre du règlement a un sens large et inhabituel (art3§2 : c’est « toute autorité judiciaire, ainsi que toute autre autorité et tout professionnel du droit compétents en matière de successions qui exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire »).

Des compétences subsidiaires sont prévues à l’article 10. Elles ont pour but de rendre compétentes les juridictions d’un Etat membre alors qu’elles sont incompétentes en application du principe. Quand la résidence habituelle du de cujus lors du décès ne se situe pas dans un Etat membre de l’UE, les juridictions du pays dans lequel se situent des biens successoraux sont compétentes pour statuer sur l’ensemble de la succession si le de cujus avait la nationalité de cet Etat lors du décès ou, à défaut, s’il avait sa résidence habituelle antérieure dans cet Etat à condition qu’il ne se soit pas écoulé plus de 5 ans entre le déménagement et la saisine de la juridiction (art10§1). De plus, selon l’article 10§2, si aucune juridiction n’est compétente en vertu de l’article 10§1, les juridictions du pays dans lequel se situent des biens successoraux sont compétentes.

Par ailleurs, quand la loi choisie par le de cujus pour régir sa succession est celle d’un Etat membre, les parties peuvent dans un accord écrit, daté et signé par elles-mêmes, décider que les juridictions de cet Etat ont compétence exclusive pour statuer sur l’ensemble de la succession (art 5). C’est l’accord de l’élection du for.

De plus, les juridictions de l’Etat de la résidence habituelle compétentes en vertu du principe de l’article 4 peuvent décliner leur compétence quand elles considèrent que les juridictions d’un autre Etat membre dont la loi a été choisie par le défunt sont mieux placées pour statuer sur la succession selon le contexte (localisation des biens par exemple).

Mais, le règlement innove surtout concernant les règles de conflit de lois.

III-La loi applicable à la succession
Le règlement est universel, ce qui signifie que toute loi qu’il désigne s’applique même si cette dernière n’est pas celle d’un Etat membre (art 20).

Le principe est posé à l’article 21§1. La loi applicable à la succession est celle du pays dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle lors du décès. On se réfère ici aussi à la résidence habituelle comme critère. Elle n’est pas définie mais le préambule du règlement pose des indices pour pouvoir la déterminer. Il faut que l’Etat entretienne un lien étroit avec le défunt.  Si le défunt a des liens plus étroits avec un autre pays, la loi applicable est celle de ce dernier (art21§2).
Il y a une double rupture par rapport aux règles successorales en vigueur jusqu’à maintenant. En effet, d’une part, le règlement institue le principe d’unité successorale qui n’était pas appliqué par les Etats qui prévoyaient un régime distinct pour les meubles et les immeubles. D’autre part, le lieu de situation de l’immeuble n’a plus d’importance ; ce n’est plus un critère pour déterminer la loi applicable à la succession.
Le principe d’unité successorale n’était pas appliqué en France notamment. Les règles françaises avaient une origine jurisprudentielle. En effet, plusieurs lois étaient applicables à la succession. Pour les immeubles, la loi applicable était celle du lieu de situation de l’immeuble (arrêt chambre civile, Stewart, 14 mars 1837), et pour tous les meubles la loi applicable était celle du lieu d’ouverture de la succession c’est-à-dire celle du dernier domicile du de cujus (arrêt chambre civile, Labedan, 19 juin 1939 et arrêt 1ère chambre civile du 20 octobre 2010). Donc, la succession immobilière pouvait être morcelée vu que des lois différentes étaient susceptibles de s’appliquer. Cela pouvait entrainer une rupture d’égalité entre les héritiers. Ainsi, l’articulation des règles successorales était compliquée et posait des problèmes en pratique. Le règlement européen du 4 juillet 2012 vient simplifier les règles applicables aux successions internationales en choisissant le système de l’unité. 

Cependant, le règlement permet au défunt de choisir et donc d’écarter la loi de résidence habituelle lors du décès. Le de cujus peut choisir comme loi applicable à sa succession celle dont il a la nationalité lors du choix ou lors du décès (art 22). Le règlement réduit le choix à une seule loi pour régir la succession. Cette dernière n’est donc pas divisée en groupes de biens autonomes comme avant. Ce choix doit être exprès.

La loi applicable s’applique à l’ensemble de la succession et régit de nombreuses questions s’y rattachant (art 23) comme la capacité de succéder, le partage successoral, les causes,  le moment et le lieu d’ouverture de la succession.

Les décisions rendues en matière de successions par un Etat de l’UE bénéficient d’une reconnaissance de plein droit, ce qui facilite la circulation des actes. Elles sont exécutoires quand elles sont déclarées comme telles par la juridiction d’un pays suite à une demande des parties.

IV-Le certificat successoral européen
C’est une nouveauté qui va être très pratique pour les notaires. Il est destiné à être utilisé par les héritiers ou légataires ayant droits à la succession et qui, dans un autre pays de l’UE, doivent invoquer leur qualité ou exercer leurs droits (art 63§1). Le certificat est valable de plein droit dans tous les Etats de l’UE.

Ainsi, ce règlement européen change les règles traditionnelles de droit international privé françaises en matière de successions dans un souci de simplification. Le règlement des successions internationales devrait désormais être moins compliqué et plus rapide.


Ce règlement a entrainé des modifications dans notre droit qui ont été instituées par le décret n°2015-1395 du 2 novembre 2015 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’UE en matière de successions transfrontalières (JORF n°0256 du 4 novembre 2015, p. 20592). Il modifie certains articles du Code de procédure civile avec application rétroactive à compter du 17 août 2015 et crée une nouvelle section dans ce même code relative au certificat successoral européen.

E. L.

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