Ce texte est relatif aux successions
internationales, c’est-à-dire quand il existe un élément d’extranéité dans une
succession. Elles vont sûrement se développer avec la mobilité de plus en plus
accrue des personnes. Ce règlement unifie les principes du droit international
privé régissant les successions internationales dans le cadre de l’UE et
introduit le certificat successoral européen. C’est une innovation. En effet,
chaque Etat avait ses propres règles en matière de successions jusqu’alors. Le
but de ce règlement est de supprimer « les entraves à la libre circulation
des personnes confrontées aujourd’hui à des difficultés pour faire valoir leurs
droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences
transfrontières » (considérant 7 du préambule du règlement). Il est
applicable dans toute l’UE sauf au Royaume-Uni, en Irlande et au Danemark.
Ce texte est entré en
vigueur en France le 17 août 2015. Il bouleverse les règles du droit
international privé français en matière de successions.
I-Champ
d’application
Le règlement
s’applique aux successions à cause de mort (art1§1 du règlement). Le règlement
définit la succession comme étant « toute forme de transfert de biens, de
droits et d’obligations à cause de mort, qu’il s’agisse d’un acte volontaire de
transfert en vertu d’une disposition à cause de mort ou d’un transfert dans le cadre d’une
succession ab intestat »
(art3§1, a). Le règlement s’applique donc aux successions ab intestat et aux successions volontaires
(testament, institution contractuelle).
Par contre, il ne
s’applique pas en matières fiscale, douanière,
administrative (art 1§1), à l’état des personnes physiques et aux régimes
matrimoniaux (art1§2). Ces domaines font l’objet d’autres textes.
II-Les règles de
compétence
Le principe est posé à
l’article 4 : « Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une
succession les juridictions de l’Etat membre dans lequel le défunt avait sa
résidence habituelle au moment de son décès ». On applique donc la loi de
la résidence habituelle. On a ici le principe d’unité successorale : une
seule loi applicable à la succession. C’est le changement majeur créé par le règlement.
Il faut préciser que
le mot « juridiction » dans le cadre du règlement a un sens large et inhabituel (art3§2 : c’est « toute autorité
judiciaire, ainsi que toute autre autorité et tout professionnel du droit
compétents en matière de successions qui exercent des fonctions
juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une
autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire »).
Des compétences
subsidiaires sont prévues à l’article 10. Elles ont pour but de rendre
compétentes les juridictions d’un Etat membre alors qu’elles sont incompétentes
en application du principe. Quand la résidence habituelle du de cujus lors du décès ne se situe pas
dans un Etat membre de l’UE, les juridictions du pays dans lequel se situent
des biens successoraux sont compétentes pour statuer sur l’ensemble de la
succession si le de cujus avait la
nationalité de cet Etat lors du décès ou, à défaut, s’il avait sa résidence
habituelle antérieure dans cet Etat à condition qu’il ne se soit pas écoulé
plus de 5 ans entre le déménagement et la saisine de la juridiction (art10§1).
De plus, selon l’article 10§2, si aucune juridiction n’est compétente en vertu
de l’article 10§1, les juridictions du pays dans lequel se situent des biens
successoraux sont compétentes.
Par ailleurs, quand la
loi choisie par le de cujus pour
régir sa succession est celle d’un Etat membre, les parties peuvent dans un
accord écrit, daté et signé par elles-mêmes, décider que les juridictions de
cet Etat ont compétence exclusive pour statuer sur l’ensemble de la succession
(art 5). C’est l’accord de l’élection du for.
De plus, les
juridictions de l’Etat de la résidence habituelle compétentes en vertu du
principe de l’article 4 peuvent décliner leur compétence quand elles
considèrent que les juridictions d’un autre Etat membre dont la loi a été
choisie par le défunt sont mieux placées pour statuer sur la succession selon
le contexte (localisation des biens par exemple).
Mais, le règlement
innove surtout concernant les règles de conflit de lois.
III-La loi
applicable à la succession
Le règlement est
universel, ce qui signifie que toute loi qu’il désigne s’applique même si cette
dernière n’est pas celle d’un Etat membre (art 20).
Le principe est posé à
l’article 21§1. La loi applicable à la succession est celle du pays dans lequel
le défunt avait sa résidence habituelle lors du décès. On se réfère ici aussi à
la résidence habituelle comme critère. Elle n’est pas définie mais le préambule
du règlement pose des indices pour pouvoir la déterminer. Il faut que l’Etat
entretienne un lien étroit avec le défunt. Si le défunt a des liens plus étroits avec un
autre pays, la loi applicable est celle de ce dernier (art21§2).
Il y a une double
rupture par rapport aux règles
successorales en vigueur jusqu’à maintenant. En effet, d’une part, le règlement
institue le principe d’unité successorale qui n’était pas appliqué par les
Etats qui prévoyaient un régime distinct pour les meubles et les immeubles.
D’autre part, le lieu de situation de l’immeuble n’a plus d’importance ;
ce n’est plus un critère pour déterminer la loi applicable à la succession.
Le principe d’unité
successorale n’était pas appliqué en France notamment. Les règles françaises
avaient une origine jurisprudentielle. En effet, plusieurs lois étaient
applicables à la succession. Pour les immeubles, la loi applicable était celle
du lieu de situation de l’immeuble (arrêt chambre civile, Stewart, 14 mars
1837), et pour tous les meubles la loi applicable était celle du lieu
d’ouverture de la succession c’est-à-dire celle du dernier domicile du de cujus (arrêt chambre civile, Labedan,
19 juin 1939 et arrêt 1ère chambre civile du 20 octobre 2010). Donc, la
succession immobilière pouvait être morcelée vu que des lois différentes étaient
susceptibles de s’appliquer. Cela pouvait entrainer une rupture d’égalité entre
les héritiers. Ainsi, l’articulation des règles successorales était compliquée
et posait des problèmes en pratique. Le règlement européen du 4 juillet 2012
vient simplifier les règles applicables aux successions internationales en
choisissant le système de l’unité.
Cependant, le
règlement permet au défunt de choisir et donc d’écarter la loi de résidence habituelle
lors du décès. Le de cujus peut choisir
comme loi applicable à sa succession celle dont il a la nationalité lors du
choix ou lors du décès (art 22). Le règlement réduit le choix à une seule loi
pour régir la succession. Cette dernière n’est donc pas divisée en groupes de
biens autonomes comme avant. Ce choix doit être exprès.
La loi applicable
s’applique à l’ensemble de la succession et régit de nombreuses questions s’y
rattachant (art 23) comme la capacité de succéder, le partage successoral, les
causes, le moment et le lieu d’ouverture
de la succession.
Les décisions rendues
en matière de successions par un Etat de l’UE bénéficient d’une reconnaissance
de plein droit, ce qui facilite la circulation des actes. Elles sont
exécutoires quand elles sont déclarées comme telles par la juridiction d’un
pays suite à une demande des parties.
IV-Le certificat
successoral européen
C’est une nouveauté
qui va être très pratique pour les notaires. Il est destiné à être utilisé par
les héritiers ou légataires ayant droits à la succession et qui, dans un autre
pays de l’UE, doivent invoquer leur qualité ou exercer leurs droits (art 63§1).
Le certificat est valable de plein droit dans tous les Etats de l’UE.
Ainsi, ce règlement
européen change les règles traditionnelles de droit international privé françaises
en matière de successions dans un souci de simplification. Le règlement des
successions internationales devrait désormais être moins compliqué et plus
rapide.
Ce règlement a
entrainé des modifications dans notre droit qui ont été instituées par le
décret n°2015-1395 du 2 novembre 2015 portant diverses dispositions
d’adaptation au droit de l’UE en matière de successions transfrontalières (JORF
n°0256 du 4 novembre 2015, p. 20592). Il modifie certains articles du Code de
procédure civile avec application rétroactive à compter du 17 août 2015 et crée
une nouvelle section dans ce même code relative au certificat successoral
européen.
E. L.
E. L.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire