Actualité Droit de la famille (Loi du 17 mai 2013
ouvrant le mariage aux personnes de même de sexe)
CE,
18 décembre 2015, Union départementale des associations familiales
des hauts de Seine et autres, requête n°370459
CE
18 décembre 2015, M. C... et autres, requête n°369834.
A
la suite de l'adoption de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage
aux personnes de même sexe, le 24 mai 2013, un décret et un arrêté
pris pour son application ont été adoptés. La Garde de sceaux a
également interprété
et rappelé les diverses modifications législatives et
réglementaires par une circulaire du 29 mai 2013. Enfin, par une
circulaire du 13 juin 2013, le ministre de l'Intérieur
a rappelé aux préfets les conditions dans lesquelles les autorités
compétentes peuvent célébrer un mariage et les conséquences
auxquelles elles s'exposent en cas de refus illégal de procéder à
une telle célébration.
Dans
un arrêt du 18 décembre 2015, le Conseil d’État, en rejetant une
série de recours contre ces textes d'application de la loi du 17 mai
2013, tranche de nombreuses questions. D'où la portée importante de
cet arrêt, où l'on observe que la Haute juridiction administrative
confirme la conventionnalité, la constitutionnalité et la légalité
des textes d'application du mariage pour tous.
Dans
un autre arrêt du même jour, le Conseil d’État va rappeler qu'un
préfet n'est pas un officier d’état civil et ne peut célébrer
lui-même un mariage.
I)
CE, 18 décembre 2015, Union départementale des associations
familiales des hauts de Seine et autres, requête n°370459
Plusieurs
QPC ont été soulevées
devant cette juridiction de renvoi et le Conseil d’État va estimer
qu'il n'y a pas lieu de renvoyer ces QPC devant le Conseil
constitutionnel.
A)
Les différentes QPC soulevées
Une
première QPC soulevée portait sur l'article 165 du Code civil,
qui selon les requérants méconnaîtrait la liberté de conscience,
qui est un principe constitutionnellement garanti,
en énonçant le caractère républicain du mariage. Toutefois, le
Conseil constitutionnel s'était déjà prononcé dans le cadre d'une
QPC du 18 octobre 2013 sur la conformité à la Constitution des
dispositions de l'article 165 du Code civil dans sa rédaction
issue de la loi du 17 mai 2013, et avait à
cette
occasion, écarté le grief tiré de ce que les officiers d'état
civil devraient pouvoir bénéficier d'une clause de conscience. Par
conséquent, estimant qu'il n'y a pas eu de changement de
circonstances de droit ou de fait depuis cette décision, le Conseil
d’État refuse que l'article 165 soit à nouveau examiné, et
rend une décision de non-renvoi. En adoptant cette décision, la
Haute juridiction administrative confirme sa position sur la
conformité de l'article 165 du Code civil à la Constitution.
Une
seconde QPC soulevée portait sur le fait que la loi du 17 mai 2013
ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, était contraire au
régime concordataire existant dans les départements du Haut-Rhin,
Bas-Rhin et de la Moselle et ne pourrait s'appliquer dans ces
départements. Par une décision du 21 février 2013, ce régime
concordataire a été déclaré comme ne méconnaissant pas la
Constitution et plus particulièrement le principe de laïcité,
pilier de la République. Les requérants arguaient que cette
contrariété entre la loi du 17 mai 2013 et le régime concordataire
créerait une rupture d'égalité entre les personnes domiciliées
dans les 3 départements en question et celles qui sont domiciliées
sur le reste du territoire. Cependant le Conseil d’État rappelle
que les dispositions de la loi du 17 mai 2013 s'appliquent sur
l'ensemble du territoire national et sont sans incidence sur le
maintien dans certains départements du régime concordataire. Par
conséquent, la question posée n'étant pas nouvelle ou ne
présentant pas un caractère sérieux, le Conseil d’État rend une
décision de non-renvoi et confirme que la loi du 17 mai 2013
s'applique sur l'ensemble du territoire français sans distinction.
Dans
le cadre de ces QPC, le Conseil d’État exerce parfaitement son
rôle
de filtre et renforce par la même occasion la conformité de la loi
du 17 mai 2013 à la Constitution en ne renvoyant pas les QPC devant
le Conseil constitutionnel. Ceci montre que le mariage pour tous est
devenu une valeur solide et ancrée de notre société qui respecte
la Constitution.
B)
Le respect des engagements internationaux de la France
Sur
la légalité interne, le Conseil d’État va trancher différentes
questions, notamment au regard des traités internationaux signés
par la France afin de déterminer si la loi du 17 mai 2013 n'est pas
en contradiction avec ses engagements internationaux.
Le
Conseil d’État juge que la loi du 17 mai 2013 n'est pas en
contradiction avec de nombreuses conventions internationales,
notamment celles relatives aux obligations qui s'imposent aux États
partis
à ces dernières pour favoriser l'échange d'informations entre
officiers de l'État civil. Ces conventions étant dépourvues
d'effet direct, et ayant uniquement pour objet de régir les
relations entre États, ne
peuvent pas être invoquées
par les particuliers. De plus, ces conventions n'ont pas pour effet
de limiter la liberté des États contractants de déterminer les
personnes aptes à s'unir par mariage. Le Conseil d’État va
considérer la même chose concernant la Convention sur le
consentement au mariage de 1962 ainsi que la Convention sur les
régimes matrimoniaux de 1978 qui n'ont pas pour objet de déterminer
les personnes aptes
à s'unir par mariage.
Par
conséquent, l’État dispose d'une marge d'appréciation, et de
manœuvre nationale concernant les personnes aptes à se marier.
Par
ailleurs, le Conseil d’État a estimé que le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques reconnaissant le droit de se
marier à l'homme et à la femme, ainsi que la Convention
internationale relative aux droits de l'enfant et la Convention sur
la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption
internationale n'imposent pas que le mariage et l'adoption soient
possibles uniquement en cas d'altérité sexuelle, c'est à dire
réservé exclusivement aux couples de sexe différent. Le sujet de
l'adoption a été une question sensible en France, avant la loi du
17 mai 2013 les personnes de même sexe ne pouvaient pas adopter, car
il fallait être marié, mais depuis que le mariage a été ouvert
pour tous, l'adoption ne peut plus être refusée à ces derniers.
Cette conséquence directe du mariage pour tous a été acceptée
difficilement par certains citoyens français.
Le
Conseil d’État en estimant que les engagements internationaux de
la France n'imposent pas l'altérité sexuelle, renforce la
légitimité du mariage pour tous, et ses conséquences à savoir
l'adoption pour les couples de même sexe.
Le
Conseil d’État confirme la constitutionnalité ainsi que la
conventionnalité des textes d'application de la loi du 17 mai 2013
au regard des engagements internationaux de la France. Son
raisonnement montre bien que les États disposent d'une marge
d'appréciation dans les matières matrimoniales, ce qui permet à la
France de concilier le mariage pour tous et ses engagements
internationaux. Le Conseil d'État va dans le même sens que la Cour
de cassation qui
dans un arrêt du 28 janvier 2015 estime que le mariage
pour tous doit être une valeur promue par notre société. En effet,
dans son arrêt la Cour de cassation rappelle que la liberté
matrimoniale fait partie de l'ordre public international et qu'à
partir du moment où on a ouvert le mariage aux personnes de même
sexe, ce type de mariage fait partie de la liberté matrimoniale. Par
conséquent, le mariage pour tous fait partie de l'ordre public
international.Toutefois ce n'est pas réellement ce qu'avait prévu
le législateur et cette décision avait provoqué de vives
réactions, c'est pour cette raison que la Cour de cassation avait
bordé sa solution avec son communiqué, en spécifiant un critère
de rattachement et en précisant que c'est la liberté matrimoniale
qui fait partie de l'ordre public international.
II) CE 18 décembre 2015, M.
C... et autres, requête n°369834
Dans
cet arrêt, le Conseil d’État juge que la circulaire du ministre
de l'Intérieur
du 13 juin 2013 relative aux conséquences du refus illégal de
célébrer un mariage de la part d'un officier d'état civil, ne
méconnaît pas la liberté de conscience puisque qu'aucun texte ni
aucun principe ne fait obligations aux officiers d'état civil
d'approuver les choix de vie de personnes dont ils célèbrent le
mariage. Il estime qu’eu
égard à l’intérêt général qui s'attache au bon fonctionnement
et à la neutralité du service public de
l'état
civil, l'interdiction faite aux officiers d'état civil de refuser de
célébrer les mariages, en dehors des cas prévus par la loi, ne
méconnaît pas la liberté de conscience garantie par la Convention
européenne des droits de l'Homme. Le Conseil d'État utilise donc la
neutralité, principe essentiel des services publics pour justifier
cette interdiction. Il en profite pour rappeler qu'un préfet n'est
pas un officier d’état civil, et ne peut pas célébrer un mariage
à place des maires, puisque le pouvoir de substitution qui lui est
conféré ne s'exerce que dans le domaine administratif sous
l'autorité ou le contrôle du préfet et ne s'étend pas.
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