mardi 14 avril 2015

Article : Chambre sociale 16 décembre 2014 n° de pourvoi 13-21.203


I. Faits :

Le demandeur a été engagé le 7 janvier 1990. Il a été licencié pour motif économique le 10 décembre 2010 après autorisation du ministère du travail. Ce salarié était titulaire d'un mandat de délégué du personnel et de représentant syndicale au comité d'entreprise.

Suite aux nombreux licenciements économiques, l'entreprise a dû supprimer le comité d'entreprise.

Par un jugement du  23 novembre 2011 du tribunal administratif, la décision du ministre a été annulée. Le salarié a donc pu réintégrer l'entreprise dans un emploi qualifié de temporaire en vertu de l'article L. 2422-1 du Code du travail.

 Le demandeur a été de nouveau licencié par une lettre du 22 mai 2012. 

II.Question de droit :

La question qui a été posée par la Cour de cassation était la suivante : « le salarié pouvait il bénéficier de la procédure protectrice de licenciement quand bien même celui ci ne pouvait pas retrouver son mandat du fait de la disparition du comité d'entreprise » ?

 III. Solution de la Cour de cassation :

La solution de la Cour de cassation est particulièrement éclairante : « Qu’en statuant ainsi, alors que le délégué syndical, représentant de droit le syndicat au comité d’entreprise, réintégré dans l’entreprise après l’annulation de l’autorisation donnée en vue de son licenciement, sans avoir pu retrouver son mandat du fait de la disparition de ce comité d’entreprise, bénéficie de la protection complémentaire de six mois suivant sa réintégration ».

Cette solution appelle trois observations.

Tout d'abord, la Cour de cassation étend la portée de l'article L. 2422-2 du code du travail. L'article L,2422-2 ne vise que le renouvellement ou le non renouvellement du comité d'entreprise. Or, dans cet arrêt il s'agit de sa disparition.

Ensuite, l'article  L2422-2 accorde le bénéfice de la procédure protectrice de licenciement aux anciens délégués du personnel ou membres du comité d'entreprise. Ce qui nous amène à nous poser la question de savoir si le représentant syndicale au comité d'entreprise est bien un membre à part entière de celui ci ? Selon Bertrand Ines dans « Représentant syndical : protection consécutive à la réintégration dans l'entreprise », cette solution est souhaitable dans la mesure où « la présence du représentant syndicale est intrinsèquement liée à celle du comité d'entreprise » (actualité juridique Dalloz, 27 janvier 2015). En témoignent les articles L. 2143-22 et L.2324-2 du code du travail.

Enfin, l'article L2422-2 est combiné avec l'article 5 de la Convention n°135 de l'Organisation du travail internationale. Cet article stipule que : « Lorsqu'une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu'il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentant ».

Alors, on pourrait opposer que le comité d'entreprise a disparu. Seulement, si l'existence de représentants élus ne saurait affaiblir la situation de syndicat, on comprend a fortiori que la disparition de ces institutions représentatives n'affaiblisse la situation syndicale au sein de l'entreprise.

Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 19 novembre 2014, pourvoi n°1321.207


I. Les faits

Le demandeur s'est fait engagé le 1er septembre 2005. Le 10 mars 2001, son employeur et lui même concluent  une convention de rupture du contrat de travail. Celle-ci est homologuée par l'autorité administrative. Le demandeur saisit la juridiction prud'homale afin de demander la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans causes réelles ni sérieuses.

La Cour d'appel rejette les prétentions du demandeur. Elle a relevé que le consentement de celui ci était libre. Or, le salarié n'avait pas bénéficier de l'information concernant la faculté d'assistance lors des entretiens ayant trait à la rupture du contrat de travail.

II. Le problème de droit

La question est de savoir s' il est possible de requalifier la rupture conventionnelle en licenciement sans causes réelles ni sérieuses au motif de l'absence d'information sur la faculté d'assistance aux entretiens concernant la rupture du contrat de travail.

III. Solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette le pourvoi. En effet selon elle, " l’absence d’information sur la possibilité de se faire assister lors de l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail ont convenu de la rupture du contrat n’avait pas affecté la liberté de son consentement". Ainsi l'absence d'information ne saurait remettre en cause la validité de la convention de rupture du contrat de travail.

La chambre sociale avait déjà adopté cette position dans un arrêt du 29 janvier 2014 (n° de pourvoi 12-27.594).
Cette position reflète une volonté de fermer le contentieux des convention de rupture de contrat de travail. Si bien que, Les hypothèses d'annulation sont rares. A ce titre, on peut citer la contestation de l'homologation de la convention.

Toutefois, un arrêt semble remettre en cause cette position de principe. Il s'agit d'un arrêt du 5 novembre 2014 (Cass soc, 5/11/2014 n° de pourvoi 13-16.372). En l'espèce, il s'agit  d'un salarié qui conclut avec son employeur une rupture conventionnelle. Le salaire moyen brut n'est pas totalement pris en compte par pôle emploi dans le calcul des indemnités de chômage. Or, cette rémunération aurait été prise pour calculer l'indemnité de rupture prévue par la convention. Cette erreur a vicié le consentement du salarié. C'est pourquoi, la Cour de cassation a annulé la convention de rupture.

En somme, pour annuler une convention de rupture il faut se placer sur le terrain des vices du consentement et non sur la liberté. Il est dommage que la protection du consentement du salarié ne soit pas pleinement effective. D'autant plus lorsque l'article 1237-11 du code du travail prévoit que ses dispositions sont destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

Cour de cassation, chambre sociale, 24 septembre 2014, n° 12-16.991




I. Les faits :

Une salarié a été licenciée pour motifs économiques. Ainsi, elle avait fait l'objet d'une évaluation permettant d'établir l'ordre des licenciements. Elle saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir des dommages et intérêts pour perte injustifiée d'emploi. La Cour d'appel accueille sa demande.

L'employeur reproche à l'arrêt d'avoir méconnu l'objet de l'appel. En effet, l'appel ne portait pas sur la dite évaluation. Il portait sur l'absence d'un salarié dans l'évaluation. La question était donc de savoir  si cette absence avait pu modifier le rang des salariés dans la procédure de  licenciement économique.

Également, il est reproché à l'arrêt d'avoir substitué à l'employeur son analyse dans l'évaluation des salariés. La Cour d'appel aurait dès lors violé l'article L1233-5 du travail. Cet article invite le juge À vérifier le respect des critères légaux pour déterminer l'ordre des licenciements.

III : Question de droit

La question est donc de savoir si le juge peut contrôler l'évaluation du salarié dans le cadre d'un licenciement économique.
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IV : Solution de la Cour de cassation

Tout d'abord, le pouvoir d'évaluation des salariés constitue l'un des attributs du pouvoir de direction de l'employeur (Soc, 10 juillet 2002, n° 00-42 368). L'appréciation de ces qualités relève donc d'un pouvoir souverain.

Ainsi la Chambre sociale rappelle que '"le juge ne peut, pour la mise en œuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur".

Toutefois, il y a bien un contrôle par le juge. Mais ce contrôle ne peut être que minimum : "il lui appartient en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir". Cette solution n'est pas nouvelle. Elle avait déjà été consacrée dans un arrêt de 1991 (Soc 4 décembre 1991, pourvoi n°89.45-937).

En l'espèce, " l'appréciation par l'employeur des qualités professionnelles de la salarié avait été faussée par sa volonté d'éviter le licenciement d'un salarié moins ancien, en raison du coût de ce licenciement pour l'entreprise". Le détournement de pouvoir étant caractérisé, la Cour de cassation a pu rejetté le pourvoi.

Enfin, on peut noter l'utilisation des techniques du contentieux administratif dans la jurisprudence judiciaire. Sans doute parce que le droit de la fonction publique connait lui aussi les problématiques soulevées par l'évaluation des fonctionnaires. Ce domaine est également soumis au contrôle de l'erreur manifeste.

lundi 6 avril 2015

Décision du Tribunal des conflits du 9 février 2015


Les faits :

A l'origine de cette affaire, un étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) assortie d’un placement en rétention administrative en attendant son départ vers l’Égypte. Le placement en rétention administrative est prolongé deux fois par le juge des libertés et de la détention (JLD) pour des problèmes administratifs. Le consulat d’Égypte, sollicité par l’administration en vue de la délivrance de documents de voyage, était en effet dans l’impossibilité de fournir ces documents faute d’avoir pu établir la nationalité égyptienne de l’intéressé.
L'homme soutient alors que le placement ne se justifie plus car il n’existe plus de perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement dans le délai légal de 45 jours.

Le JLD s'était estimé incompétent pour apprécier la condition de délai de mise en œuvre de la mesure d’éloignement. Le juge administratif s'est également estimé incompétent. Le Tribunal des conflits a alors été saisi pour surmonter ce conflit négatif. 

La décision :

Dans un arrêt du 9 février 2015, le Tribunal des conflits décide que le juge compétent était le juge judiciaire.

Il fonde sa décision sur l’article L. 554-1 du Code de l’entrée et du séjourdes étrangers et du droit d’asile (CESEDA), selon lequel un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Il se fonde également sur les articles L. 552-1 et L. 552-7 de ce même code. Ces articles disposent que la prolongation de la rétention, dans la limite de deux fois vingt jours, est subordonnée à des décisions du juge judiciaire.

Dans cet arrêt, le Tribunal des conflits se fonde également sur deux décisions du Conseil constitutionnel (du 20 novembre 2003 et du 9 juin 2011), et plus précisément sur les réserves d’interprétation émises dans ces deux décisions. Le Conseil constitutionnel avait fondé ses décisions en se référant à l’article 66 de la Constitution selon lequel l’autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle. Pour cette raison, il est de la compétence du juge judiciaire de mettre fin, à tout moment, à la rétention administrative, lorsque les circonstances de fait ou de droit le justifient.

Le Tribunal conclut  que le juge judiciaire est compétent pour connaître en l’espèce du litige entre M. H et le préfet de Seine-et-Marne. Cependant les délais légaux de la rétention administrative étant expirés dans cette affaire, il n’y a pas lieu de renvoyer les parties devant le juge compétent.

F.L

Décision du 27 février 2015 du Conseil constitutionnel sur les sanctions disciplinaires


Le 18 décembre 2014, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d'État d'une question relative à la conformité aux droits et libertés de l'article L. 4137-2 du code de la défense portant sur une sanction disciplinaire concernant les militaires.

L'article L. 4137-2 du code de la défense classe les sanctions disciplinaires infligées aux militaires, classées en trois groupes. La sanction de l'arrêt se trouve parmi les sanctions du premier groupe au e). L'arrêt a la spécificité de pouvoir se cumuler avec les sanctions des deux autres groupes. De plus, en cas de nécessité, les arrêts peuvent être prononcés avec effet immédiat. Les arrêts avec effet immédiat peuvent être assortis d'une période d'isolement.
L'article précise également que les conditions d'application de l'article L 4137-2 font l'objet d'un décret en Conseil d’État.

Le pourvoi :

Selon les requérants, le renvoi à un décret pour préciser les conditions d'exécution des arrêts est inconstitutionnel car il s'agit là d'atteintes relevant du domaine de la loi. En agissant ainsi le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence « dans des conditions portant atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne ». Il y a également une atteinte à la liberté d'aller et de venir et à la liberté individuelle.

La décision du Conseil constitutionnel :

Dans une décision du 27février 2015, le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution le e) du 1° de l'article L. 4137-2 du code de la défense.

Selon l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales et cela concerne également celles accordées aux militaires. Le Conseil constitutionnel rappelle que les militaires bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis mais il rappelle également que ces droits et libertés s’exercent « dans les limites inhérentes aux obligations particulières attachées à l'état militaire ».

Il existe notamment un principe de « nécessaire libre disposition de la force armée ». Il résulte de ce principe que l'exercice par les militaires de certains droits et libertés reconnus aux citoyens soit interdit ou restreint.

Cette particularité du statut de militaire ressort de divers textes. L'article L. 4111-1 ducode de la défense précise que :« L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité ». A cela s'ajoute l'article L. 4121-1 de ce même code qui précise que : « Les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. Toutefois, l'exercice de certains d'entre eux est soit interdit, soit restreint dans les conditions fixées au présent livre ». L'article L. 4121-5 dispose que : « Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu ».

Selon le Conseil Constitutionnel, les dispositions du e) du 1° de l'article L 4137-2 du Code de la défense dont il est saisi n'instituent pas une sanction disciplinaire entraînant une privation de liberté. Une fois que Cette constatation a été faite, il en tire la conséquence logique : le grief tiré de ce que le législateur aurait insuffisamment encadré les modalités d'exécution d'une sanction qui affecte la liberté individuelle est inopérant.

Le Conseil Constitutionnel précise également que l'article L. 311-13du code de justice militaire pose une limite de soixante jours à la durée maximale de la sanction des arrêts et que l'article L. 4137-1du code de la défense institue des garanties procédurales lors d'une procédure de sanction. L'intéressé a ainsi droit «  la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense »

En prévoyant au e) du 1° de l'article L. 4137-2 du code de la défense la sanction des arrêts sans en définir plus précisément les modalités d'application et compte tenu « des obligations particulières attachées à l'état militaire et des restrictions à l'exercice de la liberté d'aller et de venir qui en résultent », le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

Le Conseil constitutionnel déclare donc les dispositions contestées conformes à la Constitution car elles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

F.L