jeudi 29 janvier 2015

Le moratoire sur l'encellulement individuel

Le mardi 2 décembre 2014 Dominique Raimbourg, député PS de la quatrième circonscription de la Loire-Atlantique et avocat au barreau de Nantes, a présenté à la Garde des Sceaux Mme Christiane Taubira un rapport de vingt-quatre propositions en faveur de l'encellulement individuel. 
La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a inséré dans le Code de procédure pénale l'article 716 selon lequel "Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans certains cas". Cette même loi avait cependant  repoussé à cinq ans l’application de ce principe et l’Assemblée nationale a refusé le 28 octobre 2014 un nouveau moratoire de deux ans.

« Un problème de surpopulation et d'architecture » selon Dominique Raimbourg
La surpopulation carcérale est un problème qui touche durement la France. Au 1er octobre, le rapport dénombre 66 494 personnes incarcérées, pour 58 054 places opérationnelles.
Les maisons d’arrêt, théoriquement réservées aux courtes peines et aux prévenus en attente d’une condamnation définitive, sont les plus surpeuplées : 247 % à Orléans, 210 % à Rennes... 
Les prisons françaises sont délabrées et ont été condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme à plusieurs reprises (voir exemple l'arrêt du 25 avril 2013 : " La Cour rappelle que l’accès, au moment voulu, à des toilettes convenables et le maintien de bonnes conditions d’hygiène sont des éléments essentiels d’un environnement humain..." ).

L'intérêt de l'encellulement individuel
L'encellulement individuel est avant tout une question de dignité de la personne mais pour Mr Raimbourg « c’est aussi une question d’efficacité ». Il est important pour rendre les prisons plus « vivables ». 
L'encellulement individuel permettrait d'apaiser les tensions entre détenus et gardiens et entre détenus eux-même. Il rendrait possible une meilleure répartition des prisonniers afin d'éviter que des détenus plus faibles psychologiquement cohabitent avec des criminels endurcis. Cela permettrait donc de lutter contre la récidive, un des objectifs de la réforme pénale du 15 août 2014
De plus, la promiscuité et le manque de place favorisent les trafics au sein de la prison.

Quelles solutions ?
Dominique Raimbourg rappelle que l’encellulement individuel est « un droit mais ne peut être une obligation ».
En effet, un détenu peut préférer cohabiter avec un autre détenu.

Il recommande « un taux de 80 % de places individuelles apparaîtrait comme permettant l’exercice de ce droit à l’encellulement individuel »
Une des solutions serait de construire de nouvelles prisons. Il s'agit cependant d'une idée simpliste. La construction d’une place revient en moyenne à 160 000 euros pour un coût d’entretien de 87 euros par jour.  
Lors de la remise du rapport, la ministre Mme Taubira a déclaré que le ministère « [avait] financé sur le budget triennal qui vient de s’achever un programme de construction de 6 300 places. Pour le prochain budget triennal, nous disposons d’un milliard d’euros d’autorisation d’engagement pour la construction de 3 200 places nettes supplémentaires ».

Mr Raimbourg propose également que l’administration se dote d’outils pour recenser le nombre de cellules, de WC, de points d’eau, d’éclairage…
Il désire que le personnel pénitentiaire soit associé au plan. Le député souhaite « le plein déploiement des acquis » de la loi Taubira sur la prévention de la récidive dont le but est de développer la probation et travailler à la réinsertion dès le prononcé de la peine. Les magistrats doivent privilégier les aménagements de peine avant l’incarcération et limiter les comparutions immédiates.
Les cellules individuelles devront être prioritairement affectées aux plus vulnérables (les personnes âgées, les handicapés) et aux primo-arrivants. 
En conclusion, Dominique Raimbourg fait valoir la nécessité d’un moratoire car l'encellulement prévu par la loi pénitentiaire ne peut être réalisé aujourd’hui. Il précise cependant que le moratoire doit être « accompagné d’un plan avec des étapes » datées pour permettre de mesurer la progression dans le temps des différentes actions mises en œuvre.

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