jeudi 29 janvier 2015

QPC du 14 novembre 2014

Le 14 novembre 2014, le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur une QPC relative à la conformité de l'article 696-4 du Code de procédure pénale. Cet article concerne la procédure d'extradition.
Selon l'article 696-4 °1 du Code de procédure pénale, l'extradition n'est pas accordée lorsque la personne réclamée par les autorités étrangères possède la nationalité française. La nationalité française est appréciée à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée.

Saisi par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions de l'article 696-4 et plus particulièrement les mots « cette dernière étant appréciée à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise » . 

Pour le requérant, la règle selon laquelle la France n'extrade pas ses nationaux n'est pas constitutionnelle car la nationalité de la personne dont l'extradition est demandée est appréciée à l'époque de la commission de l'infraction. Ces dispositions procèdent à une distinction entre Français en ce qui concerne les Français ayant obtenu la nationalité française après l'infraction. Il s’agirait, selon le requérant, d'une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.

Le 1° de l'article 696-4 a été jugé conforme à la Constitution. D'après le Conseil constitutionnel, la différence de traitement est fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi : le législateur a voulu éviter l'utilisation des règles relatives à l'acquisition de la nationalité pour échapper à l'extradition.

Source : Conseil constitutionnel (QPC n°2014-427 du 14 novembre 2014)

F.L
Le moratoire sur l'encellulement individuel

Le mardi 2 décembre 2014 Dominique Raimbourg, député PS de la quatrième circonscription de la Loire-Atlantique et avocat au barreau de Nantes, a présenté à la Garde des Sceaux Mme Christiane Taubira un rapport de vingt-quatre propositions en faveur de l'encellulement individuel. 
La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a inséré dans le Code de procédure pénale l'article 716 selon lequel "Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans certains cas". Cette même loi avait cependant  repoussé à cinq ans l’application de ce principe et l’Assemblée nationale a refusé le 28 octobre 2014 un nouveau moratoire de deux ans.

« Un problème de surpopulation et d'architecture » selon Dominique Raimbourg
La surpopulation carcérale est un problème qui touche durement la France. Au 1er octobre, le rapport dénombre 66 494 personnes incarcérées, pour 58 054 places opérationnelles.
Les maisons d’arrêt, théoriquement réservées aux courtes peines et aux prévenus en attente d’une condamnation définitive, sont les plus surpeuplées : 247 % à Orléans, 210 % à Rennes... 
Les prisons françaises sont délabrées et ont été condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme à plusieurs reprises (voir exemple l'arrêt du 25 avril 2013 : " La Cour rappelle que l’accès, au moment voulu, à des toilettes convenables et le maintien de bonnes conditions d’hygiène sont des éléments essentiels d’un environnement humain..." ).

L'intérêt de l'encellulement individuel
L'encellulement individuel est avant tout une question de dignité de la personne mais pour Mr Raimbourg « c’est aussi une question d’efficacité ». Il est important pour rendre les prisons plus « vivables ». 
L'encellulement individuel permettrait d'apaiser les tensions entre détenus et gardiens et entre détenus eux-même. Il rendrait possible une meilleure répartition des prisonniers afin d'éviter que des détenus plus faibles psychologiquement cohabitent avec des criminels endurcis. Cela permettrait donc de lutter contre la récidive, un des objectifs de la réforme pénale du 15 août 2014
De plus, la promiscuité et le manque de place favorisent les trafics au sein de la prison.

Quelles solutions ?
Dominique Raimbourg rappelle que l’encellulement individuel est « un droit mais ne peut être une obligation ».
En effet, un détenu peut préférer cohabiter avec un autre détenu.

Il recommande « un taux de 80 % de places individuelles apparaîtrait comme permettant l’exercice de ce droit à l’encellulement individuel »
Une des solutions serait de construire de nouvelles prisons. Il s'agit cependant d'une idée simpliste. La construction d’une place revient en moyenne à 160 000 euros pour un coût d’entretien de 87 euros par jour.  
Lors de la remise du rapport, la ministre Mme Taubira a déclaré que le ministère « [avait] financé sur le budget triennal qui vient de s’achever un programme de construction de 6 300 places. Pour le prochain budget triennal, nous disposons d’un milliard d’euros d’autorisation d’engagement pour la construction de 3 200 places nettes supplémentaires ».

Mr Raimbourg propose également que l’administration se dote d’outils pour recenser le nombre de cellules, de WC, de points d’eau, d’éclairage…
Il désire que le personnel pénitentiaire soit associé au plan. Le député souhaite « le plein déploiement des acquis » de la loi Taubira sur la prévention de la récidive dont le but est de développer la probation et travailler à la réinsertion dès le prononcé de la peine. Les magistrats doivent privilégier les aménagements de peine avant l’incarcération et limiter les comparutions immédiates.
Les cellules individuelles devront être prioritairement affectées aux plus vulnérables (les personnes âgées, les handicapés) et aux primo-arrivants. 
En conclusion, Dominique Raimbourg fait valoir la nécessité d’un moratoire car l'encellulement prévu par la loi pénitentiaire ne peut être réalisé aujourd’hui. Il précise cependant que le moratoire doit être « accompagné d’un plan avec des étapes » datées pour permettre de mesurer la progression dans le temps des différentes actions mises en œuvre.

Lien utile:

jeudi 15 janvier 2015

Les dettes de santé des époux : des dettes ménagères solidaires - Cour de cassation, Civ. 1ère, 17 décembre 2014

L’article 220 du code civil énonce que « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement. » En effet, entre époux les dettes contractées par l’un engagent l’autre solidairement. Chacun peut alors se voir exiger l’entier paiement de la dette. Aussi peut-on s’interroger sur le contenu de la notion de dette ménagère.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 décembre 2014, a confirmé que les dépenses de santé engagées par un époux constituent une dette ménagère au sens de l’article 220 du code civil.

En l’espèce, Mme X est hospitalisée en 2008 et les frais de cette hospitalisation s’élèvent à plus de 15000 euros. L’assistance publique – hôpitaux de Paris forme un recours en paiement de ces frais à l’encontre de son époux M X. Ce dernier est condamné, par la Cour d’Appel de Paris le 4 juillet 2013, à payer la somme due. Il forme un pourvoi en cassation, estimant que l’action de l’AP-HP est une action contre un débiteur d’aliment. Or les dettes d’aliment ne s’arréragent pas et doivent être proportionnées aux revenus du débiteur. Ainsi, selon lui, la cour d’appel ne pouvait pas le condamner à des sommes échues avant son assignation.

La question était de savoir si le paiement était réclamé à M X en tant que débiteur d’aliment ou en tant que codébiteur solidaire des dettes de santé de son épouse. 

La Cour de cassation a refusé de suivre les arguments du pourvoi et approuvé la cour d’appel par une substitution des motifs. Ainsi, elle affirme qu’au regard de l’article 220, alinéa 1er, du code civil, « toute dette de santé contractée par un époux engage l'autre solidairement ». Toutefois, l’alinéa 2 du même article prévoit qu’il n’y a point de solidarité lorsque les dépenses sont manifestement excessives. En l’espèce, M X n’a pas fait la démonstration d’un tel caractère manifestement excessif. 

Cette position jurisprudentielle n’est pas nouvelle. En effet, la première chambre civile avait affirmé dans un arrêt du 10 mai 2006 que les soins dentaires dispensés à un époux entraient dans le champ des dettes ménagères de l’article 220 du code civil. La Cour de cassation semble, dans cet arrêt du 17 décembre 2014, généraliser l’affirmation selon laquelle les dépenses de santé des époux sont des dettes ménagères. De ce fait, elles échappent à la règle selon laquelle les aliments ne s’arréragent pas, ce qui favorise donc le recouvrement de ces dettes par les créanciers.

AF

Liens utiles: