La
durée de la rétention administrative
Cour
de cassation,
arrêt de la 1ère Chambre civile du 23 septembre 2015 n°14-25.064,
Cassation partielle sans renvoi
L’article L. 554-1 du code de l’entrée
et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) énonce
qu’ « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que
pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration étant tenue
d’exercer toutes diligences à cet effet dès le placement en rétention ». La mesure de privation de liberté
applicable à l’étranger en situation irrégulière ne peut avoir pour
finalité que de préparer son retour et de procéder à son éloignement. Et
puisque le déplacement est le corollaire de la décision de retour, les
démarches aux fins de départ du territoire ne doivent pas faire défaut.
L’autorité administrative doit agir avec la plus grande célérité et doit tout
mettre en œuvre pour que l’étranger puisse repartir dans son pays dans les plus
brefs délais puisque cette privation de liberté ne doit se faire que dans un
temps strictement nécessaire à la préparation de son départ.
A l’origine de cette affaire, un
étranger de nationalité tunisienne, en situation irrégulière en France, a fait
l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et a été placé en
rétention administrative le 10 Janvier 2014 en exécution d’une décision prise
par le préfet. Compte tenu du week-end, ce dernier a adressé le 13 Janvier 2014
une lettre au consul de Tunisie aux fins d’obtenir un laissez-passer consulaire
pour l’étranger, une demande de départ à destination de la Tunisie a été
sollicitée dès le 14 Janvier 2014. Le préfet a demandé une prolongation de la
rétention administrative pour une durée de 20 jours à compter de l’expiration
du délai initial de cinq jours.
Saisie de cette affaire, la Cour
d’appel de LYON a ordonné la prolongation de la rétention administrative en
jugeant « que le préfet avait effectué les diligences nécessaires en
adressant après le week-end, soit trois jours après le début de la rétention, un
courrier au consul de Tunisie aux fins d’obtenir un laissez-passer consulaire
pour l’intéressé ».
Un pourvoi a été formé contre cette
ordonnance rendue le 16 Janvier 2014, par la Cour d’appel de LYON. Ce pourvoi
fait grief à l‘ordonnance de la Cour d’appel d’ordonner la rétention
administrative de Monsieur X.
La question qui se pose est de savoir
quel est le délai dans lequel les diligences préfectorales en vue d’éloignement
doivent être accomplies ?
La première
chambre civile de la Cour de Cassation
dans sa décision de 23 Septembre 2015 casse et annule l’ordonnance rendue par
le Cour d’appel de LYON. Elle motive sa décision en affirmant que le week-end
ne pouvait en aucun cas justifier l’attente du préfet pour entreprendre les
démarches nécessaires à la mise en œuvre de la mesure d’éloignement dès le
placement en rétention de Monsieur X. Elle considère ainsi qu’il existait
nécessairement des services de permanence au sein du consulat habilités à agir
pendant le week-end et que le recours au courrier simple plutôt qu’aux moyens
modernes de transmission tels que le courrier électronique ou la télécopie
n’était pas approprié.
En l’espèce,
les délais légaux de rétention étant expirés, il n’y a pas lieu de renvoyer
l’affaire.
Portée de la
décision
Par cet
arrêt de cassation partielle, la Cour de cassation rappelle cette fois à
l’administration qu’elle est tenue à la plus grande célérité dans l’exercice
des diligences qu’elle doit accomplir pour l’organisation du départ de
l’étranger. En 2010 la haute juridiction s’était saisie de cette question dans
deux arrêts du 23 juin 2010 sans apporter de réponse adéquate et précise.
Au terme de
la première décision, elle avait retenu que les démarches nécessaires devaient être
entreprises dès le placement en rétention même pendant le délai de recours
devant le Tribunal Administratif.
Mais dans le
second arrêt, les juges s’étaient refusés de censurer une ordonnance de
prolongation retenant que des vérifications s’imposaient sur la véritable nationalité de
l’étranger, que le temps écoulé entre son arrivée au centre de rétention
administrative et la proximité du week-end ne permettait pas d’entreprendre des
démarches suffisamment étayées et sérieuses.
Mais par cet
arrêt, la Cour de cassation vient clarifier l’appréciation de la situation en
considérant les diligences « intervenues trois jours après le
placement en rétention » comme tardives. Il convient donc de retenir sans ambiguïté de cette jurisprudence que l’administration est tenue d’exercer
toutes les diligences à cet effet dès le premier jour de la rétention.
MKD