Le préjudice
esthétique temporel : un préjudice à part
Arrêt numéro 10-23.378 rendu par
la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, le 4 février 2016. Il
s’agit d’un arrêt de cassation partielle.
I-
Les faits
Monsieur X a été victime d’un
accident de la circulation impliquant un véhicule appartenant à la commune de
Cannet et conduit par Monsieur Y.
La commune est assurée auprès de
la société d’assurance mutuelle des collectivités publiques. La victime
agissant en qualité de demanderesse a assigné le conducteur, la commune et
l’assureur en réparation de son préjudice corporel.
La Cour d’appel d’Aix en
Provence, a rendu un arrêt en date du 2 décembre 2009 dans lequel, pour
accorder une certaine somme au titre de la réparation de l’entier préjudice de
la victime, elle intègre le préjudice esthétique temporaire dans
l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire.
Dans cet arrêt, la Cour de
Cassation a eu à connaître des rapports devant être établis entre le préjudice
esthétique temporaire et le préjudice du déficit fonctionnel temporaire.
II-
Question de
droit
Le préjudice esthétique
temporaire est-il inclus dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel
temporaire ?
III-
Solution de
droit
La solution de la Cour de
Cassation vient préciser et confirmer une jurisprudence antérieure datant de
2014.
Dans son arrêt en date du 4
février 2016, la deuxième chambre civile précise que « le préjudice
esthétique temporaire n’est pas inclus dans le poste de préjudice du déficit
fonctionnel temporaire et doit être indemnisé séparément ».
La Cour de Cassation opère une
distinction entre les deux préjudices. Pour elle, le préjudice du déficit
fonctionnel temporaire est destiné à indemniser la gêne dans les actes de la
vie courante et en particulier la privation de qualité de vie ». La Cour
avait déjà donné une définition de ce préjudice dans un arrêt de principe en
date du 28 mai 2009 où elle le définit comme incluant « l’incapacité
fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les
pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la
maladie traumatique ».
Quant au préjudice esthétique
temporaire, il est destiné à indemniser la rupture de son apparence physique,
de sa gestuelle et de sa démarche tant au regard des autres que de la victime
elle-même.
Par conséquent, la Cour de
Cassation estime que la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil et le
principe de l’indemnisation de l’entier préjudice subi par la victime.
La Cour fait du préjudice
esthétique temporaire, un préjudice à part entière. Cette distinction va dans
le sens d’une volonté de protéger les victimes, afin qu’elles soient justement
indemnisées pour les préjudices subis.
Ce n’est pas la première fois que la Cour de Cassation se prononce
sur cette distinction. Une telle autonomie du préjudice esthétique temporaire
avait déjà été soulignée dans un arrêt en date du 11 décembre 2014 rendu par la
deuxième chambre civile.
Dans cet arrêt, la Cour de
Cassation précisait la composition du préjudice de déficit fonctionnel en y
incluant le préjudice sexuel mais pas le préjudice d’esthétique temporaire et
les souffrances endurées au cours de la maladie.
Le rapport Dintilhac réalisé par
un groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices
corporels et présidé par J-P Dintilhac, a donné une définition du déficit
fonctionnel temporaire comme étant un préjudice cherchant à « à indemniser
l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie
traumatique, c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation ». Il donne également
une définition du préjudice esthétique, comme étant un préjudice qui renvoie au
fait que « la victime subissait bien souvent des atteintes physiques,
voire une altération de son apparence physique, certes temporaire, mais aux
conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se
présenter dans un état physique altéré au regard des tiers ».
Preuve en est la encore, que le
préjudice esthétique est bien un préjudice autonome du poste de préjudice de déficit
fonctionnel temporaire, bien que la nomenclature proposée soit dépourvue de
caractère obligatoire.
TC
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