lundi 11 avril 2016

Le préjudice esthétique temporel : un préjudice à part



Le préjudice esthétique temporel : un préjudice à part




Arrêt numéro 10-23.378 rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, le 4 février 2016. Il s’agit d’un arrêt de cassation partielle.



I-                   Les faits



Monsieur X a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule appartenant à la commune de Cannet et conduit par Monsieur Y.



La commune est assurée auprès de la société d’assurance mutuelle des collectivités publiques. La victime agissant en qualité de demanderesse a assigné le conducteur, la commune et l’assureur en réparation de son préjudice corporel.



La Cour d’appel d’Aix en Provence, a rendu un arrêt en date du 2 décembre 2009 dans lequel, pour accorder une certaine somme au titre de la réparation de l’entier préjudice de la victime, elle intègre le préjudice esthétique temporaire dans l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire.



Dans cet arrêt, la Cour de Cassation a eu à connaître des rapports devant être établis entre le préjudice esthétique temporaire et le préjudice du déficit fonctionnel temporaire.



II-                 Question de droit



Le préjudice esthétique temporaire est-il inclus dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel temporaire ?



III-               Solution de droit



La solution de la Cour de Cassation vient préciser et confirmer une jurisprudence antérieure datant de 2014. 




Dans son arrêt en date du 4 février 2016, la deuxième chambre civile précise que «  le préjudice esthétique temporaire n’est pas inclus dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel temporaire et doit être indemnisé séparément ».




La Cour de Cassation opère une distinction entre les deux préjudices. Pour elle, le préjudice du déficit fonctionnel temporaire est destiné à indemniser la gêne dans les actes de la vie courante et en particulier la privation de qualité de vie ». La Cour avait déjà donné une définition de ce préjudice dans un arrêt de principe en date du 28 mai 2009 où elle le définit comme incluant « l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique ». 




Quant au préjudice esthétique temporaire, il est destiné à indemniser la rupture de son apparence physique, de sa gestuelle et de sa démarche tant au regard des autres que de la victime elle-même. 




Par conséquent, la Cour de Cassation estime que la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil et le principe de l’indemnisation de l’entier préjudice subi par la victime.




La Cour fait du préjudice esthétique temporaire, un préjudice à part entière. Cette distinction va dans le sens d’une volonté de protéger les victimes, afin qu’elles soient justement indemnisées pour les préjudices subis. 




Ce n’est pas la première fois que la Cour de Cassation se prononce sur cette distinction. Une telle autonomie du préjudice esthétique temporaire avait déjà été soulignée dans un arrêt en date du 11 décembre 2014 rendu par la deuxième chambre civile.



Dans cet arrêt, la Cour de Cassation précisait la composition du préjudice de déficit fonctionnel en y incluant le préjudice sexuel mais pas le préjudice d’esthétique temporaire et les souffrances endurées au cours de la maladie. 




Le rapport Dintilhac réalisé par un groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels et présidé par J-P Dintilhac, a donné une définition du déficit fonctionnel temporaire comme étant un préjudice cherchant à « à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation ». Il donne également une définition du préjudice esthétique, comme étant un préjudice qui renvoie au fait que « la victime subissait bien souvent des atteintes physiques, voire une altération de son apparence physique, certes temporaire, mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers ».




Preuve en est la encore, que le préjudice esthétique est bien un préjudice autonome du poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire, bien que la nomenclature proposée soit dépourvue de caractère obligatoire.

TC

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