jeudi 19 mai 2016

Loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées



L’adoption définitive

La proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel a été adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale le 6 avril 2016 au terme de deux années de vifs débats. Ce vote, qui reprend un engagement de François Hollande lors de sa campagne présidentielle de 2012, met fin à un long parcours parlementaire commencé en décembre 2013.
Se prostituer n’est plus un délit mais payer pour un acte sexuel le devient.
En effet, la loi abroge le délit de racolage (225-10-1 du code pénal) instauré par Nicolas Sarkozy en 2003. Par conséquent toutes les références à l’article 225-10-1 au sein du code pénal sont supprimées et celui-ci se trouve ainsi modifié du fait de l’abrogation du délit en question. Par conséquent, la section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifiée :

-               - Après le mot « prostitution la fin de l’intitulé est supprimée
-          L’article 225-12-1 est ainsi rédigé : « Lorsqu’il est commis en récidive dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 132-11, le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage est puni de 3 750 € d'amende.
Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage, des relations de nature sexuelle de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse. « 
-          Aux premier et dernier alinéas de l'article 225-12-2, après le mot : « peines », sont insérés les mots : « prévues au dernier alinéa de l'article 225-12-1 » ;
-          À l'article 225-12-3, la référence : « par les articles 225-12-1 et » est remplacée par les mots : « au dernier alinéa de l'article 225-12-1 et à l'article 
-          À la troisième phrase du sixième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, la référence : « 225-12-1 » est remplacée par les références : « au dernier alinéa de l'article 225-12-1 et aux articles 225-12-2 ».

Parallèlement à l’abrogation du délit de racolage la loi instaure une contravention de cinquième classe sanctionnant le recours à la prostitution dans son article 20. Concrètement est puni « Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe«. Autrement dit le texte pénalise désormais les clients de prostituées passibles d'une amende de 1 500 € et de 3 750 € d'amende en cas de récidive. Une peine complémentaire de « suivi d'un stage de sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution » est également créée.

L’accompagnement des prostituées
A la suite des travaux de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, la proposition de loi tend à mettre à place un nouveau dispositif de lutte contre la prostitution.
Pour cela, les mesures prévues sont les suivantes :
Pour les personnes victimes de la prostitution, le texte prévoit le droit de bénéficier d'un système de protection et d'assistance et met en place un parcours de sortie de la prostitution. Une instance chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la prostitution et de la traite des êtres humains sera créée au sein des conseils départementaux.
Un fonds dédié à la prévention de la prostitution et à l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées doit être mis en place.
En contrepartie, les personnes étrangères engagées dans un parcours de sortie de la prostitution se verront délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois.
L'abrogation du délit de racolage entrera en vigueur six mois après la promulgation de la loi.

Quatre passages devant l’assemblée
Le texte a été approuvé par 64 voix contre 12 et 11 abstentions, mais il a divisé sur presque tous les bancs. Si les députés PS et Front de gauche le soutenaient dans l’ensemble, une majorité des Républicains penchaient pour l’abstention, alors que l’UDI avait laissé la liberté de vote. Une majorité des radicaux de gauche et des écologistes étaient également défavorables au texte.
Il s’agissait du quatrième et dernier passage de cette proposition de loi devant l’Assemblée. Le Sénat avait en effet auparavant à chaque fois rejeté ce texte, mais les députés avaient le dernier mot.

Une avancée majeure pour le droit des femmes 
La suppression du délit de racolage et la pénalisation des clients de prostituées sont deux avancées majeures pour les droits des femmes. Députés et sénateurs n’ont jamais réussi à se mettre d’accord sur la principale mesure du texte, la pénalisation des clients. Mais, in fine, ce sont les députés qui auront le dernier mot et imposeront cette mesure.
« L’achat d’acte sexuel » sera sanctionné par une amende de 1 500 euros maximum. En cas de récidive, celle-ci pourra s’élever à 3 750 euros.

Le texte, inspiré de Suède, qui pénalise les clients depuis 1999, crée aussi une peine complémentaire sous la forme d’un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution.

En pénalisant les clients de prostituées, le législateur met la France en cohérence avec la loi de 1981 sanctionnant le crime de viol défini comme « un acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise »
L'Assemblée Nationale a en effet reconnu aujourd'hui que la pénétration sexuelle contre argent est de nature contrainte ; donc que la prostitution constitue une violence, et qu'il est ainsi logique que l'auteur de cette relation sexuelle imposée -le "client"- soit pénalisé.
La France devient ainsi le cinquième pays européen à pénaliser les clients de prostituées, après la Suède, pionnière dès 1999, la Norvège, l’Islande et le Royaume Unie.

TC